Le rapport sur le procès Colonna escamoté
dans l’hebdo N° 1006 Acheter ce numéro
Un mois après sa parution, on ne peut pas dire que le rapport [^2] de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) sur le procès d’Yvan Colonna, qui s’est déroulé à la fin de l’année dernière, a fait la une des médias. Pas de traces dans les versions papier des quotidiens, hormis dans l’Humanité, qui y a consacré un article (le 14~mai), tandis que les indignations soulevées par ce rapport ont été, elles, bien relayées ailleurs. C’est pour le moins regrettable. Car la mission d’observation de la FIDH, malgré le refus du président de la cour, Dominique Coujard, de lui accorder quelques facilités pour suivre les audiences, a relevé de nombreux «manquements dans les règles présidant au respect de la présomption d’innocence, des fautes ou des imprécisions dans l’instruction et la fragilité des éléments retenus à charge». Rien que cela.
Certains témoignages, comme celui d’un ami du préfet Claude Érignac, présent à ses côtés le soir du meurtre, et selon lequel Yvan Colonna ne peut être le tireur, ont ainsi été tenus pour négligeables, tandis que certaines confrontations élémentaires n’ont pas été effectuées. Les membres de la FIDH ont aussi constaté que des pressions ont pu être exercées sur les coaccusés d’Yvan Colonna et leurs épouses pendant leurs gardes à vue. Or, la condamnation de Colonna, qui a fait appel, n’a reposé que sur les témoignages de ceux-ci, qui se sont révélés «fluctuants, flous, voire ambigus», selon le rapport, qui n’épargne pas non plus le président Coujard, dont la «courtoisie […] s’est effacée parfois, durant l’audience, pour laisser place à des commentaires ou à une attitude donnant à penser […] qu’il était, dès le départ, convaincu de la culpabilité d’Yvan Colonna ».
Alors, innocent, Yvan Colonna, contrairement à ce qu’avaient annoncé d’emblée deux ministres de l’Intérieur successifs, dont Nicolas Sarkozy ? Là n’est pas l’objet de la FIDH, mais les conditions dans lesquelles la justice est rendue. Or, conclut le rapport, «l’observation de ce procès aura confirmé le manque de garanties du droit à un procès équitable par le système juridique et judiciaire français de lutte contre le terrorisme», qui, pour l’occasion, a institué une cour d’assises spéciale, avec des jurés professionnels. Dont l’une des caractéristiques est de se dispenser de fournir ses motivations et les preuves fondant toute décision…