L’élégance, simplement
Yves Saint Laurent était un couturier d’exception, qui a participé à la transformation de son époque.
dans l’hebdo N° 1005 Acheter ce numéro
Lors de ses adieux à son métier et à sa maison de haute couture, en janvier~2002, Yves Saint Laurent eut ces mots : «Je suis très fier que les femmes du monde entier portent des tailleurs-pantalons, des cabans, des trench-coats… Je me dis que j’ai créé la garde-robe de la femme contemporaine, que j’ai participé à la transformation de mon époque. Je l’ai fait avec des vêtements, ce qui est sûrement moins important que la musique, l’architecture, la peinture et bien d’autres arts, mais, quoi qu’il en soit, je l’ai fait.» La modestie du couturier, comme sa légendaire timidité, n’était pas feinte. Mais si la mode apparaît trop souvent comme un monde superficiel, Yves Saint Laurent a élevé son art à un niveau de beauté et de raffinement tel qu’il n’a rien à envier, contrairement à ce qu’il disait le jour de son départ, aux plus grands peintres, architectes ou poètes du XXe siècle.
Après Coco Chanel, qui a libéré la silhouette des femmes, Yves Saint Laurent a accompagné leur conquête d’autonomie, notamment par le travail, en créant des vêtements issus pour nombre d’entre eux de la panoplie masculine, qu’il dotait d’une élégance presque rigoureuse, valorisant les corps qui les portaient quand d’autres pensent d’abord à se mettre en avant.
Yves Saint Laurent n’en avait pas besoin. Son talent fut reconnu très tôt par Christian Dior, auquel il succéda à la tête de sa maison, à la mort de celui-ci, dès l’âge de 21~ans, en 1957. Multipliant les succès, il fut le premier à faire «descendre la haute couture dans la rue» avec la création, en 1966, d’une ligne de prêt-à-porter Yves Saint Laurent Rive gauche.
Grand collectionneur d’art, féru d’opéra et de théâtre, Yves Saint Laurent a aussi été inspiré par des actrices, telles Catherine Deneuve, qu’il habille pour la première fois dans Belle de jour de Bunuel, ou Ingrid Caven, la comédienne allemande dont le nom a donné son titre au roman de Jean-Jacques Schuhl, prix Goncourt en 2000, où le couturier apparaît aux côtés, notamment, de Rainer Werner Fassbinder. Yves Saint Laurent est mort le 1er juin. En littérature, on dirait de lui qu’il fut un incomparable styliste.