Les raisons de notre engagement autour de l’appel de Politis

Selon Martine Billard*,
le refus de se confronter
à la gauche gestionnaire entérine la division funeste entre ceux qui proposent et ceux qui critiquent.
Et condamne
à l’impuissance.

Martine Billard  • 5 juin 2008
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L’appel à une «Alternative à gauche» lancé par Politis suscite un mouvement d’enthousiasme à la fois inattendu et significatif. Intervenant après les défaites de 2007, il témoigne de la persistance d’une demande politique qui refuse de se résigner à la situation actuelle. Pourtant, des critiques s’élèvent et remettent en cause tel ou tel aspect de l’appel ou des signataires.

Première critique : une initiative au sommet autour de «personnalités». Mais quelle pouvait être la bonne méthode dès lors qu’aujourd’hui aucune structure ne dispose d’une légitimité suffisante pour lancer un tel processus ? L’engagement de Politis permet à l’inverse un appel d’air et une sortie des méfiances et des rancœurs des derniers mois. Mais il faut pour cela accepter de dépasser les intérêts particuliers. Le choix des signataires n’est pas satisfaisant ? Certes, on peut regretter le manque de femmes et de diversité, mais reconnaissons-lui le mérite d’être plus large qu’un simple éventail de dirigeants politiques.

Un appel de plus ? Ne cherchant pas cette fois-ci à fixer l’arrivée avant même d’avoir démarré, il permet d’avancer en construisant un cadre d’action et de débat ouvrant la possibilité d’une confrontation de fond sur les axes d’une politique de transformation. Il s’opposerait à la tenue des États généraux de la transformation sociale et écologique ? Ce serait absurde. Il peut au contraire donner plus d’ampleur à un processus qui se cherchait ces derniers mois.

Certains signataires seraient trop liés au PS, le contenu ne serait pas assez anticapitaliste, voire serait susceptible d’être signé par des socialistes acquis au social-libéralisme ? L’appel n’a jamais eu la prétention d’être un programme. Ainsi, de la même façon qu’il n’y a pas de propositions concrètes dans le champ social, il n’y en a pas non plus dans le champ écologique (pas de sortie du nucléaire par exemple).

Au-delà de la mauvaise foi, il demeure une vraie divergence. L’indépendance vis-à-vis du PS signifie-t-elle le refus de tout accord ? Faut-il vouer la gauche critique à n’être qu’un aiguillon contestataire, externe et impuissant d’une gauche noyée dans la gestion du système ? Faut-il se contenter des luttes et refuser les débouchés politiques institutionnels ? Souvenez-vous de la lutte contre le CPE, commencée par l’opposition à l’Assemblée et donnant au mouvement de masse le temps de prendre de l’ampleur pour faire reculer Dominique de Villepin. Et de la bataille conjointe militants-élus contre les OGM, qui a mis en difficulté le gouvernement.

Ne pas réfléchir à la mise en œuvre de politiques publiques revient à laisser le champ libre au vote utile et au bipartisme. Le refus de la confrontation à la gauche gestionnaire est le meilleur moyen d’entériner la division funeste entre ceux qui proposent et ceux qui critiquent. Cela nous condamne à l’impuissance. Et pourtant il y a urgence : la destruction des équilibres écologiques et ses conséquences, la raréfaction des ressources naturelles non renouvelables, l’aggravation des inégalités menacent chaque jour l’existence de notre planète et posent avec acuité la nécessité de jeter les bases d’«un nouveau modèle de développement et de consommation soutenable et respectueux des équilibres écologiques».

Les appareils de la gauche et de l’écologie, trop occupés à gérer leurs intérêts de boutique, ne menacent en rien la domination du capitalisme prédateur. Leur dépassement paraît souhaitable, mais il serait absurde de passer par pertes et profits le capital humain et politique dont ils disposent. Avec de nombreux militants écologistes, Verts ou non, nous nous sommes regroupés il y a quelques mois afin de militer pour une convergence entre approche sociale et approche écologique. Nous ne nous résignons pas au fossé existant entre d’un côté les militants du champ environnemental et de l’autre ceux du champ social. Comme l’indique notre plate-forme «la vocation d’Écologie solidaire, formée d’adhérents membres ou non de partis politiques, sera de s’inscrire, à sa modeste mesure, dans cette reconstruction en y portant la nécessité de la prise en compte des exigences écologiques pour tout projet véritablement de gauche».

Cet objectif se retrouve aujourd’hui tout à fait dans l’appel lancé par Politis, cela explique pourquoi j’ai accepté de le signer sans réticence dès le départ, et pourquoi les militants qui se reconnaissent dans la démarche d’Écologie solidaire s’investiront donc dans toutes les initiatives à venir autour de l’appel.

Martine Billard est députée de Paris. Écologie solidaire :
Politique
Temps de lecture : 4 minutes
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