Plastique toxique
dans l’hebdo N° 1006 Acheter ce numéro
Les ministres canadiens de la Santé et de l’Environnement ont fait savoir le 18~avril qu’ils envisageaient l’interdiction du BPA, un additif des plastiques de type polycarbonate. Il est utilisé dans le revêtement des boîtes de conserve ou de boisson, mais aussi la vaisselle, les biberons et les résines, notamment dentaires. On en produit 2,2~millions de tonnes par an. Le problème est que le BPA migre dans les aliments, et ce d’autant plus que la température est élevée. Gênant pour des plastiques susceptibles d’être utilisés au micro-ondes. La décision fait suite à la publication aux États-Unis, le 14~avril, d’un rapport du National Toxicology Program. Celui-ci estime que le BPA induit des effets sur le système nerveux et hormonal des fœtus et des enfants à des niveaux correspondant à ceux trouvés dans l’alimentation. Le BPA est en effet un perturbateur endocrinien. Ce groupe de substances apparaît de plus en plus vraisemblablement impliqué dans la croissance des cancers hormono-dépendants et dans les atteintes aux fonctions de la reproduction.
L’affaire n’est pas nouvelle. En décembre~2004, 115~études avaient été publiées ; sur 104 émanant de l’Université ou d’agences publiques, 94 études concluaient à un effet. Curieusement, les 11~financées par l’industrie concluaient à une absence d’effet. Curieusement, un certain nombre de celles-ci avaient utilisé une souche animale connue pour être insensible aux effets du BPA. On pourrait penser que les autorités sanitaires réagissent au quart de tour en cas de données nouvelles ou de décisions prises par l’une d’entre elles. Pas tout à fait, hélas. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), qui a notamment pour rôle d’être vigilante sur les matériaux, n’a réagi que le 16~mai pour dire… qu’elle allait réfléchir avec son alter ego européenne (Efsa). Laquelle est bien ennuyée car, en janvier~2007, elle a réaffirmé qu’il n’y avait pas de problème avec la norme actuelle. Celle-ci était pourtant déjà vivement critiquée, car sur les 94~études montrant un effet positif et publiées avant décembre~2004, 31~obtenaient cet effet à une dose inférieure à cette norme européenne.
Une attitude dilatoire qui rappelle celle déjà adoptée par l’Afssa après la publication montrant un effet de l’aspartame chez le rat exposé dès le stade fœtal (augmentation des leucémies, lymphomes et tumeurs mammaires, voir Politis n°~993). Là encore, ces effets survenaient au niveau de la norme actuelle. L’étude est parue le 13~juin 2007 et toujours aucun avis de l’Afssa ni de l’Efsa.
Les bébés français seraient-ils différents des bébés canadiens ? Il est vrai que, si les frontières françaises ont su rendre inoffensif le nuage de Tchernobyl, ce n’est pas le BPA qui va leur faire peur.