Des questions si simples

À propos des approximations d’un sondage sur la réforme constitutionnelle.

Alain Lormon  • 24 juillet 2008 abonné·es

Au fond, Jack Lang n’aurait fait qu’exprimer l’opinion majoritaire. Puisque, nous dit-on, quelques jours avant le vote du Congrès, « les Français plébiscitaient » la réforme de la Constitution. Et, en effet, à l’appui de ce titre claironnant, le Journal du dimanche (20 juillet) publiait, à la veille du vote du Congrès, un sondage de l’Ifop qui ne laissait aucun doute sur les sentiments de nos concitoyens. Grâce à la réforme, le gouvernement devra consulter le Parlement pour un engagement militaire de plus de quatre mois. Qui pourrait être contre ? Grâce à la réforme, le Parlement pourrait s’opposer aux propositions de nominations à la tête des « institutions les plus importantes » . Malgré le flou de la formule, qui pourrait être contre ? Grâce à la réforme, le recours à l’article 49.3, qui permet actuellement au gouvernement de faire adopter un texte sans vote, est limité aux budgets, à la Sécu et à « un autre texte par session » . Qui pourrait être contre ? On pourrait poursuivre la flatteuse énumération. Hélas, confrontées à la pratique, ces modifications sont, au mieux, nulles et non avenues. Au pire, carrément régressives.
Une seule réforme toutefois aurait pu en modifier le sens : si le mode d’élection des sénateurs avait été changé pour faire de la Chambre Haute un véritable lieu de représentation des régions. En conservant le mode de scrutin actuel, on condamne le Sénat à être éternellement de droite. On ne risque rien dans ces conditions à « consulter » le Parlement. De même pour ce qui concerne le « veto » du Parlement sur les nominations « les plus importantes ».

Mais prenons un autre exemple. Quel sens peut avoir une consultation parlementaire après quatre mois d’engagement de l’armée française dans un conflit ? Les parlementaires hostiles se retrouveraient dans la situation des représentants américains hostiles à la guerre d’Irak : à la fois contre la guerre et dans l’impossibilité de décider un désengagement brutal et immédiat dans une situation créée par quatre mois de conflit. Quant au 49.3, les votes budgétaires, la Sécu, et un autre recours encore, cela fait beaucoup. Beaucoup plus en tout cas que la pratique actuelle.
Enfin, pour le fameux « référendum ­d’initiative populaire », la barre est placée si haut ( « un cinquième du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs » ) que l’exécutif ne risque guère le harcèlement. Il faudra quatre fois plus de signatures que pour la même démarche en Italie… Reste la mesure la plus spectaculaire et la plus symbolique : le droit nouveau du président de la République à s’exprimer devant le Parlement. C’est-à-dire là où ce président déjà omniprésent n’avait pas encore le droit de s’exprimer. Ce qui entérine en outre l’effacement définitif du Premier ministre, qui présentait traditionnellement le discours de politique générale. Bref, en face d’un texte assez retors, les questions de l’Ifop auraient mérité un minimum de décryptage.

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