Entre Ciel et logiciels
Un festival hanté par la spiritualité, et où la technologie est de plus en plus lourde.
dans l’hebdo N° 1011 Acheter ce numéro
Deux dominantes définissent le dernier festival d’Avignon : Dieu et la technologie. De Claudel et Castellucci à Gérard Gélas (metteur en scène de Confidences à Allah dans le off, au Chêne noir), on se sera beaucoup préoccupé de notre destin divin ou non-divin. En même temps, dans le festival « in », on aura rarement dépensé autant d’argent dans les moyens techniques. Les productions les plus lourdes viennent des pays étrangers. Pour certains de nos voisins, le théâtre multimédia est une nécessité, et l’artisanat du langage théâtral, une histoire à classer dans les vieilles lunes.
C’est parfois fort beau, les spectacles avec de gros moyens. Mais c’est aussi un domaine où l’on s’épuise. L’Italien Romeo Castellucci nous avait convaincus avec Inferno . Sa recherche des effets dans le deuxième volet, Purgatorio , ajoutée à une thématique du viol incestueux plutôt déplaisante, est là stérile. Le Belge Guy Cassiers avait réussi un tableau mondial envoûtant, Wolfskers ; il se banalise dans le volet suivant, Atropa , sous les effets techniques de mise à distance.
Quand le théâtre passe trop aux mains d’ingénieurs, les spectacles tendent à se ressembler, ou même les idées et les trouvailles se copient. Le dernier Cassiers a de fastidieux airs de cousinage avec bien des mises en scène berlinoises. Dans les Tragédies romaines , le Hollandais Ivo Van Hove croit imaginer le principe d’un spectacle festif où les spectateurs peuvent se déplacer d’un espace à l’autre en s’installant dans les canapés et en regardant des écrans. C’est ce qu’avant lui avait fait Daniel Benoin dans son diptyque Cassavetes-Guitry , présenté l’an dernier au Nouveau Théâtre de Nice et qu’on verra au printemps prochain à Nanterre.
Il y a même au programme un spectacle sans acteurs, étonnant au demeurant : Stifters Dinge d’Heiner Goebbels. Rien que des machines et des pianos qui marchent tout seuls. Réhumanisons le théâtre !