Les patrons sociaux veulent se faire entendre

Les employeurs de l’économie sociale demandent leur reconnaissance et mènent campagne pour les prud’homales de décembre. Les explications de Sébastien Darrigrand, délégué général d’une organisation atypique.

Philippe Chibani-Jacquot  • 10 juillet 2008 abonné·es

Vous avez demandé officiellement au ministre du Travail que l’Union de syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale (Usgeres) [^2] devienne une organisation d’employeurs représentative. Pourquoi maintenant ?

Sébastien Darrigrand : La loi sur le dialogue social du 31 janvier 2007 et la position commune signée le 9 avril 2008 sur la représentativité syndicale des salariés affirment la volonté des pouvoirs publics de revoir les règles. Nous disons que la position commune ne doit être qu’une étape qui doit nous amener à ouvrir le dialogue sur la représentativité patronale. Le Medef représente une très grande partie des entreprises dans ce pays, mais il s’agit de ­prendre en compte aujourd’hui les employeurs de l’économie sociale, qui ne sont représentés nulle part.

Illustration - Les patrons sociaux veulent se faire entendre


Un enjeu important pour les employeurs sociaux. Guez/AFP

Comment expliquer cette absence de reconnaissance jusqu’à aujourd’hui ?

La structuration de la représentation des employeurs de l’économie sociale est récente. L’Usgeres a été créée en 1994, et l’organisation s’est donné la possibilité de négocier des accords collectifs de travail en 2004, autant dire hier. Un deuxième élément est qu’il existe en France une certaine tradition autour de quelques organisations patronales reconnues il y a longtemps par les pouvoirs publics, soit virtuellement, soit par le biais d’actions progressives sous forme de contentieux ou autre. Je pense à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), qui a, petit à petit, obtenu la reconnaissance de la spécificité des PME, à l’Union professionnelle artisanale (UPA), à l’Union nationale des professions libérales (Unapl) et à la FNSEA, pour une partie des agriculteurs. Restent maintenant les représentants de l’économie sociale. Mais, du point de vue du code du travail, le Medef est l’organisation interprofessionnelle qui représente toutes les entreprises de France.

Avez-vous eu des éléments de réponse à votre demande ?

Pour l’instant, on a le sentiment que les choses ne se feront que si le Medef est au moins consulté. Les pouvoirs publics nous disent : on prendra une position politique sur la question, mais cela se fera en tenant compte de la position des acteurs légitimés dans le paysage, le Medef étant de ceux-là. Nous avons demandé à plusieurs reprises à être reçus par Laurence Parisot, sa présidente. Nous n’avons pas obtenu d’invitation en retour. Pourtant, si l’on a pu créer des conditions de mesure objective de la représentation des organisations syndicales de salariés à travers la position commune, il faut pouvoir trouver des conditions de mesure objective de la représentation des organisations patronales. Nous en proposons cinq : le poids socio-économique, la capacité à contribuer à la richesse nationale, la représentativité des accords dans les champs professionnels couverts, le statut juridique, l’audience mesurée à travers un certain nombre d’élections, notamment les prud’homales.

Nous ne souhaitons pas une multiplication des organisations. Cela ne va pas dans le sens de l’histoire. Il y a des modes de regroupement à trouver. Par exemple, l’Usgeres entretient de vrais liens avec l’UPA, quand on considère la taille de nos organisations (des entreprises le plus souvent de moins de dix salariés) et nos modes d’organisation spécifiques.
Ne faudrait-il pas finaliser d’abord le regroupement au sein même de l’économie sociale ? L’Association des employeurs de l’économie sociale (AEES) fédère l’Usgeres, l’Unifed [^3] et le Gema [^4], mais uniquement dans le cadre de listes communes aux prud’homales…
Si vous prenez le Medef, la CGPME et l’UPA, ils ne sont absolument pas fusionnés dans la vie, mais ils vont ensemble aux prud’homales. Tout comme eux, nous avons trouvé avec l’Unifed et le Gema un mode d’organisation qui nous fait partir ensemble dans la campagne des prud’homales. Peut-être, un jour, donnera-t-on la capacité à l’AEES de dépasser ce cadre. C’est un des souhaits de l’Usgeres. Le travail qu’on effectue sur les prud’homales prend du temps et aide aussi à se structurer.

Les résultats aux élections prud’homales du 3  décembre seront un enjeu important pour asseoir votre légitimité…

On imagine bien que les pouvoirs publics vont utiliser ce scrutin pour tester la représentativité patronale. Les élections de 2008 sont importantes, car on souhaite au moins conforter notre résultat de 2002 [11,32 %, ndlr]. L’objectif est d’être présents dans 200 conseils de prud’hommes à travers 1 700 candidats. Ces élections doivent nous permettre d’être progressivement présents sur l’ensemble du territoire.

Comment se profile le scrutin ?

La mobilisation de la campagne est satisfaisante. Il y a une bonne articulation entre le régional et le national. On a mis en place des comités de pilotage régionaux, qui sont des instances débattant de l’élection et des lieux de mobilisation des réseaux. Le délai d’inscription sur les listes employeurs avait été repoussé au 20 juin, notamment parce que le nombre d’employeurs inscrits a chuté de 50 % par rapport à 2002. On verra à qui profite cette baisse, mais cela pose de vraies questions sur la notoriété de cette élection auprès des employeurs.

[^2]: L’Usgeres réunit 25 groupements, qui représentent 60 000 employeurs.

[^3]: Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social.

[^4]: Groupement des entreprises mutuelles d’assurances.)

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