La martingale du bonus-malus
dans l’hebdo N° 1015 Acheter ce numéro
Côté finances, le thème de rentrée est lancé : ça sera le bonus-malus, et c’est Jean-Louis Borloo qui en fait la promotion, ministre de l’Écologie après avoir été privé en juin 2007 du portefeuille de l’économie, ce qui ne doit pas lui déplaire.
Appliqué depuis janvier dernier aux voitures neuves, ce mécanisme fiscal rencontre un succès inattendu : prime à l’achat des voitures les moins émettrices de CO2 contre surtaxe aux plus polluantes, il a affecté 45 % des intentions d’achat quand les experts avaient estimé que l’impact ne dépasserait pas 7 % ! Ce qui motive Borloo à négocier son extension à une vingtaine de produits de consommation courante – électroménager, électronique, ampoules, etc. –, liste a priori tenue « secrète » afin d’éviter les mouvements importants de report ou d’anticipation d’achat ayant affecté le marché automobile fin 2007.
Alors qu’il devait rester neutre pour les caisses de l’État, le bonus-malus a déjà coûté 140 millions d’euros, au point que le ministre du Budget, Éric Woerth, réclame que l’on transforme le mécanisme en un « malus-malus ». Ce qui irrite Jean-Louis Borloo, renvoyant son collègue au chantier des « 77 milliards d’euros de niches fiscales » quand il estime qu’avec 100 millions d’euros, « il sauve la planète » , et qu’il est en train d’inventer un nouveau modèle économique ! [^2]
Parlons donc chiffres : c’est très cher payé pour une réduction des émissions estimée à 8 grammes par kilomètre (g/km), contre 160 g/km en moyenne pour les voitures neuves. De l’ordre de 800 euros la tonne de CO2 évitée, quand elle coûte environ 20 euros sur le marché d’échange européen.
En bon crypto-ministre de l’Économie, Borloo se garde d’évoquer les raisons peu écologiques de son « succès ». En effet, le bonus est attribué dès que les émissions passent sous le seuil peu exigeant de 130 g/km, quand les associations avaient souhaité qu’il soit fixé à 120 g/km. De fait, il a joué le rôle de soutien du marché, en accord avec les constructeurs français, peu incités aux efforts (la moyenne de leurs modèles neufs stagnait à 143 g/km en 2007).
Il est donc question, pour éliminer cette sorte de subvention publique à la consommation et aux constructeurs, d’abaisser le seuil du bonus de 5 g/km tous les deux ans, et d’annualiser le malus, surcoût qui n’est actuellement payé qu’à l’achat, rejoignant ainsi les préconisations des associations. La pression du ministre des Finances pourrait donc avoir quelques bénéfices… écologiques !
[^2]: Le Monde, 19 août 2008.