Le coup du 15 août…
dans l’hebdo N° 1015 Acheter ce numéro
Nos lecteurs connaissent bien Richard Labévière. Autrefois, ils écoutaient sa chronique matinale sur Radio France Internationale. Après que celle-ci lui fut retirée (un premier avertissement ?), ils ont été des auditeurs fidèles de son magazine « Géopolitique », chaque samedi midi. Nous y avons souvent été invités – mais n’aggravons pas son cas. Richard Labévière est un grand spécialiste du Proche et du Moyen-Orient. Il a écrit l’an dernier un ouvrage de référence sur la politique franco-américaine en Syrie et au Liban. On se doutait qu’il ne plaisait guère à sa hiérarchie. D’autant moins que sa hiérarchie s’était récemment enorgueillie d’accueillir Mme Christine Ockrent, épouse du ministre des Affaires étrangères, nommée à la tête de la holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Nous avions émis alors quelques craintes. C’est peu dire qu’elles sont confirmées, et de la façon la plus grossière qui soit.
Richard Labévière a été sèchement licencié de RFI le 12 août (c’est à peu de chose près ce qu’on appelle le « coup du 15 août »). Motif : le 8 juillet 2008, Richard Labévière avait réalisé à Damas, pour RFI et TV5-Monde – deux filiales d’AEF –, une interview exclusive du président syrien Bachar al-Assad avant son voyage à Paris. Après lui, toute la presse audiovisuelle a d’ailleurs suivi la même démarche. On ne voit pas très bien ce qu’il y a là de sacrilège quand on est rédacteur en chef de RFI et spécialiste de cette région du monde. Il n’empêche, Alain de Pouzilhac, PDG de l’AEF, a signifié à Richard Labévière son licenciement pour « faute grave », sans même que le conseil de discipline, comme c’est l’usage, se soit prononcé. Mais où est la faute ? L’intervieweur n’aurait pas prévenu à temps sa hiérarchie – mais elle l’avait été (par écrit) cinq jours avant l’interview. Les choses sont hélas trop claires. On veut faire taire un journaliste indocile qui n’est pas dans la nouvelle ligne américano-israélienne de la diplomatie française et, subséquemment, de la direction de RFI. Ceux-là sont déjà rares, ne les abandonnons pas à des représailles aussi vulgaires.