L’hôpital de Die ne veut pas mourir
Le Collectif de défense de l’hôpital de Die se bat contre la fermeture des principaux services de l’établissement. Dénonçant une logique technocratique, il multiplie les actions avec le soutien de la population.
dans l’hebdo N° 1015 Acheter ce numéro
Au cœur du parc national du Vercors, loin du tumulte des zones urbaines, Die est une ville où il fait bon vivre. Avec sa gare, ses écoles, son hôpital, cette petite citadelle est incontournable pour la population du pays diois. Mais l’ère n’est pas à la sauvegarde des services publics de proximité. À la suite du rapport Larcher pour la future réforme de l’hôpital, dont les orientations ont été confirmées par Nicolas Sarkozy en avril dernier, Die n’échappe pas à la nouvelle vague nationale de « restructuration » des hôpitaux publics. Avant même qu’une loi n’entérine le projet, la tutelle administrative de l’hôpital diois, composée de l’ARH (Agence régionale de l’hospitalisation) de Rhône-Alpes et de la Ddass (Direction départementale de l’action sanitaire et sociale) de la Drôme, prévoit les fermetures de la maternité et du service de chirurgie au 1er janvier 2009.
La maternité et le service de chirurgie devraient disparaître au 1er janvier 2009. SAMUEL LEHOUX
Du coup, les membres du Collectif de défense de l’hôpital de Die (CDHD) remettent le couvert. Il faut dire qu’ils ont pris l’habitude, avec les tentatives successives des administrations tutélaires. L’année dernière, le collectif fêtait ses vingt ans d’existence. Depuis 1987, et la première menace sérieuse de fermeture de la maternité, le matériel de manifestation, malheureusement jamais obsolète, est toujours à portée de main. Comme l’affirme Bernard Condette, l’actuel vice-président du CDHD, et conseiller général du canton de Die (PCF), « c’est au prix d’une bagarre permanente et continue » qu’ils ont pu sauvegarder les services de cet hôpital, insistant notamment sur l’« exception géographique » . L’établissement est en effet le seul doté d’une maternité, de services d’urgence et de chirurgie entre Gap et Valence, deux villes distantes de 160 km.
Cette fois, la bataille s’annonce rude. Alors que l’hôpital de Die n’a pas connu d’incident majeur depuis vingt ans et qu’il fonctionne plutôt bien malgré son petit budget, la tutelle agite l’épouvantail de la sécurité et des nouvelles normes. À partir de 2009, les habitants devront se déplacer vers l’hôpital de Valence. D’après la Ddass, ces nouvelles dispositions ne comporteraient aucun risque médical, puisque, dixit un médecin expert de l’organisme, plein de froideur scientifique, « les accouchements, désormais, ça se déclenche, et toute urgence ne se termine pas forcément par un acte chirurgical » . Ce à quoi le collectif répond qu’un accouchement ne se prévoit pas systématiquement, et, que, par ailleurs, un accident grave, telle une fracture ouverte, peut avoir des conséquences dramatiques si la prise en charge n’est pas immédiate.
Le combat se jouera aussi sur les mots employés. Les technocrates évoquent une simple « restructuration » et la « nécessité de moderniser les missions de l’hôpital » [^2]. Pour le collectif, « transformer une maternité en centre de périnatalité et un service de chirurgie en chirurgie programmée revient clairement à des fermetures ».
Face à la menace qui se rapproche, les membres du collectif, et notamment les élus, tentent d’enrayer la machine auprès des administrations. Bernard Condette a ainsi pu proposer avec succès le 31 juin dernier le refus du vote par le conseil d’administration de l’hôpital des dispositions prévues par la Ddass, posant le problème des responsabilités futures dans les éventuels cas d’accidents induits par la restructuration de l’hôpital. Le collectif a également transmis au début de l’été une proposition de motion à une cinquantaine de communes du Vercors pour exiger le maintien des services existants à l’hôpital. En attendant le retour des communes n’ayant pas encore convoqué leur conseil municipal, plus de la moitié des municipalités ont pris position aux côtés du collectif.
Les Diois, eux, ne comprennent pas ces suppressions de services et se pressent pour aller signer la pétition lancée depuis le début de l’été par le collectif. Philippe Leewenberg, conseiller municipal et membre du collectif, raconte qu’il n’a jamais vu ici autant d’entrain à signer une pétition, « les gens [faisant] la queue le samedi au marché ». Le « record » des 5 000 signatures est largement dépassé, ce qui représente un peu plus que la population de Die. Le collectif passera ensuite à la vitesse supérieure avec une réunion publique prévue le 22 septembre, suivie d’une manifestation placée sous le signe d’une « ville en vie » le 27.
Les membres du CDHD sont conscients qu’il s’agira de frapper fort face à la détermination technocratique. Ils sont en partie rassurés tant la population attend cette manifestation avec impatience…
Outre l’iniquité de ces décisions, l’absence de transparence règne jusque dans les rangs de l’hôpital. La tutelle n’a même pas daigné consulter ou informer le personnel sur de l’évolution de son cadre professionnel. Mireille Étienne, infirmière au bloc opératoire, regrette qu’on ne dise rien aux employés, « seulement qu’on allait changer notre façon de travailler » . Leurs seules certitudes sont qu’ « il n’y a plus de rendez-vous à la maternité après le 31 décembre » , et que les « gens se précipitent pour se faire opérer, notamment les personnes âgées, qui préfèrent aller là où elles connaissent et où les proches ne sont pas loin » . Car le petit hôpital de Die, « même s’il paraît qu’il coûte trop cher, souligne Mireille Étienne, est aussi un lieu à proximité de la population dioise, un lieu où l’on prend le temps de parler et de s’occuper des gens ».
Voilà tout le contraste avec les obsessions statistiques et financières des administrations, que résume tout aussi justement Philippe Leewenberg : « L’accouchement programmé, c’est l’inverse de la maternité de Die. » C’est aussi pour conserver cet hôpital à dimension humaine que la population tient à se mobiliser.
[^2]: Propos rapportés, comme ceux du médecin expert, par le CDHD.