Hallucination du réel
La galerie Thuillier, à Paris, expose les œuvres d’Aude Allonville. Des toiles aux accents expressionnistes.
dans l’hebdo N° 1019 Acheter ce numéro
Florence. Galerie des Offices. Il y a dans ce musée, dessiné par Vasari, rassemblant une histoire de la peinture italienne, de Cimabue au Corrège, une salle dite « Botticelli ». Elle rassemble quelques tableaux universellement connus d’un cador sulfureux de la Renaissance. Le Printemps et la Naissance de Vénus. Bon, bref, les touristes se pressent devant les huiles. Dans la même salle, souvent ignorées, sont accrochées deux autres œuvres, la Calomnie et Judith et Holopherne. Les deux toiles déploient une sinuosité des lignes, des contours appuyés et précis, un goût pour le détail raffiné, le mouvement, les couleurs prononcées, chaleureuses. Le peintre florentin impose une certaine mélancolie à ses visages, des torts et travers aux personnages, une atmosphère qui pousserait déjà vers l’expressionnisme.
Il y a chez Aude Allonville, exposée aujourd’hui à la galerie Thuillier à Paris, quelque chose de cet expressionnisme, développé ici dans les creux d’une mise en scène dense et foisonnante. Au diable l’épure et l’estompage. Foin d’abstraction et place aux états d’âme, à la forme, crue et cruelle, séance tenante. Voilà des œuvres au grand format, des intérieurs chargés, abondants, exaltés. Et à l’intérieur de ces espaces, à la fois confinés et exagérés, des trognes suspectes, des corps en déséquilibre, courbés, noués, pliés, arrondis, qui semblent cracher un plein fagot d’humour, d’arrogance et de provocation, flirtent avec la décadence. Là-dedans encore, forcément, se bousculent nus, jeux de cartes et d’échecs, jeux de trompe-l’œil, de dalles et de carreaux, de miroirs et de perspectives écrasées, qu’il s’agisse d’un Piano bar , du Café de Chartres, d’une Bad Girl ou d’un Autoportrait. C’est là, non pas le réel mais une hallucination du réel. Qui dit une culture, l’esprit de guignolade. Reste à Aude Allonville à se débarrasser des influences pour écrire sa propre histoire sur le lin.