Hamida Ben Sadia, une femme libre
dans l’hebdo N° 1018 Acheter ce numéro
C’est un récit souvent bouleversant, empreint de détermination mais aussi de fragilité. Si l’itinéraire d’Hamida Ben Sadia ressemble à celui de bien des femmes musulmanes qui ont lutté puis raconté leur combat pour leur liberté face à un mari, une famille et les sociétés des pays arabes, où elles sont considérées comme des mineures aux yeux de la loi, cette « femme française » tient d’emblée à différencier ce livre autobiographique de certains de ces récits, qui véhiculent trop souvent clichés et caricatures des traditions musulmanes. L’auteure rappelle en introduction le « malaise » qu’elle éprouve devant le succès de best-sellers instrumentalisant – parfois inconsciemment – les destins tragiques de leurs auteures « pour mieux promouvoir des visions injustes, méprisantes et parfois racistes du monde » . Et, tout en se sachant « mal placée pour dénier à ces femmes le droit de raconter les frustrations, les humiliations, les violences qu’elles ont subies […], moi qui ai vécu un destin comparable » , Hamida Ben Sadia s’interroge dès le début de l’ouvrage : « Jusqu’où peut-on parler de la réalité de femmes de tradition musulmane sans ouvrir un boulevard aux propagandistes de la haine ? Comment concilier antiracisme et féminisme ? »
Le ton est donc donné dans l’avant-propos de cet ouvrage sensible, tout en finesse, qui se veut le récit d’une vie et « non pas un livre de revendications », de la part de cette militante des droits des femmes des deux côtés de la Méditerranée, membre du comité central de la Ligue des droits de l’homme. Comme le précise le sous-titre, son existence est marquée par les étapes que constituent les allers-retours entre l’Algérie et la France, de Clamart à Bab El-Oued puis à Épinay-sur-Seine.
Née en banlieue parisienne dans une famille kabyle pauvre non pratiquante, Hamida (comme ses parents) subit à partir de l’adolescence la pression culturelle de la famille restée au pays, avec in fine un mariage forcé et le « retour » dans un pays qu’elle connaît à peine. Elle s’oppose bientôt avec force aux traditions et, malgré le code de la famille ou « code de la honte » promulgué en Algérie en 1984, réussit à imposer le divorce à son mari. Un divorce qu’elle paye cependant au prix fort puisque, pour pouvoir rentrer en France, elle doit laisser là-bas ses deux fils, qu’elle mettra ensuite plus de douze ans à faire revenir auprès d’elle. Sur plus de deux cents pages, Hamida Ben Sadia livre ainsi un témoignage fort, loin des idées reçues sur les femmes originaires du Maghreb. Celui d’une femme bien décidée à sauvegarder sa liberté.
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