Le fond de l’air était rouge
La préparation de la réunion nationale des signataires de l’Appel
de « Politis » fait parfois des détours par l’histoire. Exemple, le débat
de Saint-Ouen-l’Aumône, samedi dernier.
dans l’hebdo N° 1019 Acheter ce numéro
Nos amis du cinéma Utopia de Saint-Ouen-l’Aumône nous ont soumis, le soir, à un exercice redoutable : voir (en l’occurrence, revoir) le fameux film documentaire de Chris Marker, Le fond de l’air est rouge (1977), et faire le lien avec la situation actuelle et l’Appel de Politis.
On se souvient évidemment de cette tranche d’histoire arrachée au cœur des années 1960 : le napalm déversé sur le Vietnam, les tâtonnements de la révolution cubaine, le « Che » en Afrique puis en Bolivie, le vélo renversé et sanguinolent de Rudy Dutschke, 1968 sur les campus américains, en France, en Allemagne, au Japon, à Prague… Le discours des « maos », le dialogue de sourds entre les ouvriers et les étudiants, la contestation des appareils politiques et syndicaux, les proclamations ( « Il faut virer les patrons ! » ), les premiers vacillements du stalinisme… Des idées belles mais des idées simples… À vrai dire, on peine à trouver des similitudes entre les deux époques. Si ce n’est celle-ci : les antagonismes sociaux ont sans aucun doute changé de visage, mais ils demeurent, et sans doute plus violents que jamais. Mais aujourd’hui, tout apparaît plus compliqué. Les patrons en chair et en os sont devenus des fonds de pension. Et le principal objet de détestation de 1968, l’État, « autoritaire et policier », s’est effacé. Il était omniprésent, il n’est plus que velléitaire, sporadique et virtuel. Il faut le débusquer derrière la haute technologie de ses procédés de fichage, et les habiletés de la communication. Il est tout entier au service d’un autre pouvoir, privé celui-là. Dans son reflux, il tente d’emporter avec lui les services publics et tout ce qui pouvait sembler protecteur contre le pouvoir économique. Il n’est pas jusqu’à la situation internationale qui ne se soit compliquée. Nous savons ce que sont devenus – hélas – certains régimes issus de la décolonisation ou de la résistance à « l’impérialisme américain ». Et le terrorisme islamiste n’a pas les attraits, c’est le moins que l’on puisse dire, des mouvements tiers-mondistes.
Daniel Cohn-Bendit, lors d’un meeting dans la cour de la Sorbone en mai 1968. UPI/AFP
Mais la pensée sociale a elle aussi profondément évolué. Dans le sillage de ces années, le féminisme a remis en cause le pouvoir patriarcal. Et l’écologie a contesté l’idée de « progrès » qui faisait consensus. Et surtout, des convergences sont en marche entre des cultures politiques longtemps étrangères les unes aux autres. C’est évidemment cet effort de convergence, dans l’action et dans la réflexion, qu’il faut prolonger. Nous voilà à l’Appel de Politis ! Respectueux des initiatives des uns et des autres, des appartenances, des agendas, mais résolus à rassembler sur ce qui nous est commun à tous : le refus de la politique de Sarkozy, de la dérive libérale de la direction du PS, et la nécessité de rendre audibles de vraies alternatives politiques. Ce sera la tâche de la réunion nationale des signataires de l’Appel que de créer le cadre permanent qui abordera toutes ces questions.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
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