Les Verts s’en remettent à Cohn-Bendit
C’est à l’unanimité que le Conseil national des écologistes a accepté de mener campagne avec les amis de « Dany » pour les européennes de 2009. Un pari avec de nombreuses inconnues. Lire la suite dans notre rubrique Politique .
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Les Verts ont redit « oui » à Dany Cohn-Bendit, et très officiellement : trois semaines après l’enthousiasme des journées d’été de Toulouse, leur Conseil national (Cnir), réuni samedi dernier, a adopté avec une rare unanimité une motion approuvant leur participation à un large rassemblement des écologistes pour les élections européennes de mars prochain. Sur la photo de famille, l’accolade unit José Bové, Dany Cohn-Bendit, la secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, et Jean-Paul Besset, proche de Nicolas Hulot. Les événements se sont même précipités : Cohn-Bendit, qui réservait pour décembre sa décision de faire campagne en France, a posé sa candidature en Île-de-France à l’une des deux têtes de liste [^2], la soumettant à l’accord de désignation interne des Verts, qui trancheront mi-janvier. Une concession « à risque zéro » : on voit mal le principal instigateur de ce rassemblement être exclu des premiers rôles…
Daniel Cohn-Bendit fait miroiter aux Verts 10 % de votes aux élections européennes. Pavani/AFP
D’autres clarifications sont également intervenues samedi : tout d’abord, le ralliement de l’aile gauche des Verts au projet. Car les courants Alter Ekolo (représenté par Francine Bavay, vice-présidente de la région Île-de-France) et Écologie populaire (représenté par Martine Billard, députée de Paris) ont vu la motion votée par le Cnir intégrer leurs exigences : le programme de ce rassemblement aura notamment pour objectifs « la décroissance de l’empreinte écologique européenne, la promotion des valeurs de justice sociale, d’égalité, de solidarité et d’approfondissement démocratique ».
Autre incertitude levée : l’écologiste Corinne Lepage, présidente de Cap 21, aujourd’hui partie prenante du Modem, a rejeté les avances de Cohn-Bendit. « Comment bâtir un projet cohérent pour l’Europe avec ce rassemblement ancré à gauche et à l’extrême gauche » , s’interroge-t-elle, avec un coup politique « aux fondements idéologiques fragiles, entre décroissance solidaire et altermondialisme [^3] » . Un descriptif flatteur pour les écologistes radicaux, qui rêveraient d’une telle influence, mais qui sert d’abord à Corinne Lepage pour appeler les Verts modérés à la rejoindre.
C’est un pari des Verts, qui s’en remettent à la stratégie de « Dany » pour provoquer un sursaut salvateur de l’écologie politique, depuis des années en panne d’initiatives. En échange d’un possible résultat au-delà de 10 %, comme le fait miroiter Cohn-Bendit, les Verts acceptent de mener une campagne dont leur direction n’aura pas le pilotage. Il incombera en effet à un comité comptant déjà une douzaine de personnes œuvrant depuis des mois à ce rassemblement – Dany Cohn-Bendit, Jean-Marc Salmon (un proche), Jean-Paul Besset, Yannick Jadot (ex-Greenpeace), mais aussi des Verts comme Yves Cochet (député de Paris), Marie-Anne Isler-Béguin (députée au Parlement européen)… Ce comité sera complété par six Verts et une dizaine d’autres personnalités « d’ouverture », encore à recruter.
Pour quel programme ? La motion du Cnir des Verts fixe un cadre, mais le contenu définitif sera élaboré par le comité de campagne. S’il existe un « socle commun » très apparent (l’urgence climatique, le nucléaire, la solidarité, etc.), comment concilier la vision de l’Europe d’un Cohn-Bendit – qui veut faire revoter les Irlandais sur le traité simplifié, défend certaines interventions armées, se réfère au Parti vert européen (de centre gauche), etc. –avec les positions opposées d’un Bové ?
Et l’élargissement jusqu’où ? « Nous voulons coaliser tous ceux qui se retrouveront sur l’urgence écologique, sociale et démocratique, précise Yannick Jadot. Et sans a priori. Nous discutons avec tous les écologistes, y compris au Modem, au MEI, à Génération écologie, etc. Ils se détermineront en fonction de notre manifeste, qui sera radical dans sa volonté de changer de modèle de société, mais pas “de gauche” au sens classique du terme, où certains ont une analyse à l’extrême de la nôtre. » Malgré la défection de Corinne Lepage, Dany Cohn-Bendit annonce qu’il y aura « des surprises ».
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« Une brochette de personnalités nous permettra peut-être d’élire quelques députés. Mais, au-delà, je ne vois pas comment la ligne Cohn-Bendit pourrait structurer durablement une nouvelle force politique »,* juge Martine Billard, dubitative. C’est aussi l’avis de Daniel Boy, chercheur au Centre de recherche politique de Sciences-Po (Cevipof) : « Cohn-Bendit a le génie de la concertation et de la provocation. Il est prêt à discuter avec tout le monde, y compris les libéraux. Mais ce n’est pas la culture des Verts… » Qui auraient « mûri » , comme s’en réjouit l’ex-leader de Mai 68 ?
Pour le politologue, ce n’est pas la question. *« Les européennes ne mangent pas de pain. Mais, à la prochaine élection nationale, les Verts oublieront Bové, les associatifs, etc., pour négocier avec le seul partenaire capable de leur apporter des élus, synonymes de financements politiques : le parti socialiste. Et puisqu’il se dit désormais “écologiste”, pourquoi les Verts ne vont-ils pas négocier avec lui ? Ce n’est pas avec Hulot qu’ils élaboreront un programme de gouvernement. Ce rassemblement autour de Cohn-Bendit n’est-il pas une manière pour eux d’éluder de vraies questions ? »
[^2]: Dans chaque région, les écologistes présenteront des « doublettes » homme-femme ou femme-homme en tête de liste.
[^3]: Dans une tribune parue lundi sur le site Rue 89 et un communiqué de Cap 21.