« Résister sans ambiguïté »

Hostile
à toute évolution
de son parti vers une « ligne démocrate », Jean-Luc Mélenchon critique la tentation des alliances à géométrie variable
de la gauche du PS.

Michel Soudais  • 11 septembre 2008 abonné·es

Le PS est-il menacé d’éclatement comme certains dirigeants socialistes le craignent depuis La Rochelle ?

Jean-Luc Mélenchon : Le risque ne peut être écarté. Il résulte d’abord de la présidentialisation des institutions et de l’inversion du calendrier électoral. Cela a un impact aggravé sur le PS depuis qu’il élit son premier secrétaire au suffrage universel et désigne de même son candidat à la présidentielle. L’aventurisme personnel a donc les coudées franches. Une autre cause est la droitisation avancée du discours des ténors médiatiques de ce congrès. Car, dans le même temps, on constate une mise sous le boisseau acharnée de la gauche du parti. Dès lors, beaucoup se disent « à quoi bon tout ça ? ». Et quand, pour finir, on apprend que le parti est censé avoir gagné cent mille adhérents depuis janvier dernier, ce que personne ne peut croire, on a des raisons de douter par avance de la sincérité du vote. Un mélange déflagrateur est donc constitué. Dire que pendant ce temps éclate la plus caricaturale crise du capitalisme ! Quelle absurdité !

Illustration - « Résister sans ambiguïté »


Jean-Luc Mélenchon et Marie-George Buffet à la fête de l’Huma 2007. Ayissi/AFP

La question des primaires et celle des alliances sont-elles vraiment des enjeux essentiels ?

Bien sûr. Et il faut placer ces questions dans le contexte plus large de l’évolution à droite de toute la social-démocratie européenne vers la forme du parti démocrate à l’italienne. Souvenons-nous de l’accueil délirant qui avait été fait à Romano Prodi au dernier congrès socialiste. Ensuite le tandem Hollande-Dray n’a pas tari d’éloges sur la méthode italienne. On connaît le résultat. Il n’y a plus d’élu socialiste au Parlement italien. Il est significatif que la campagne électorale de Veltroni ait été soutenue à la fois par Bayrou et par Ségolène Royal et la plupart des autres dirigeants de l’actuelle majorité du parti socialiste. François Bayrou a parfaitement compris sa chance face aux amateurs brouillons qui dirigent le PS. En leur tendant la main en début de semaine, il a retourné contre eux le piège que ceux-ci pensaient lui tendre en l’interpellant. Il ne fera qu’une bouchée d’eux. Et d’autant plus facilement qu’une bonne partie rêve déjà de lui. Ils se donneront à lui. C’est la logique de leur ligne et de leur impuissance à s’entendre entre eux.

Le pôle des reconstructeurs ne représente-t-il pas une résistance à cette évolution ?

Ce n’est pas mon avis alors même que j’y ai beaucoup d’amis. Pour résister, il faut le vouloir et le dire sans ambiguïté. C’est à cela que devrait servir la gauche du parti ! Aubry et Cambadélis sont d’éminents socialistes. Mais même flanqués de Fabius, on ne peut croire qu’ils sont la gauche du parti ! Ils ne peuvent trancher sur les alliances avec le Modem, l’Europe ou l’Otan sans démentir la pratique ou les déclarations récentes de l’un ou l’autre des carpes et des lapins de leur club. ­Certes, ils ne veulent pas de la ligne Ségolène Royal. Mais dans le même temps ils m’ostracisent. Je ne leur en veux pas. C’est logique. C’est le « ni ni » bien connu de tous les indécis. Moins logique est de voir une partie de la gauche du parti prête à se fondre dans la carpette pour avoir le droit d’être admise dans ce cénacle. Pas moi, ni Marc Dolez ! Car nous savons bien que le débat du congrès ne leur fera grâce d’aucune de leurs ambiguïtés. Moi non plus d’ailleurs. C’est un devoir d’honnêteté face aux militants. Ma constance dans le temps est présentée comme de la rigidité. On pourrait voir bientôt qu’elle est rassurante par rapport à certaines souplesses trop versatiles.

Quelle place aurait encore la gauche du PS dans un parti qui aurait adopté la « ligne démocrate » ?

Aucune. Voyez ce qui est advenu de la gauche du SPD ! Ou de la gauche du parti italien. Le triomphe de la ligne démocrate, c’est la fin du PS que nous connaissons.

Pour mieux peser, la gauche du PS, dispersée en deux motions à chaque congrès
– trois même avec celle d’Utopia –, ne peut-elle pas s’entendre ?

Le rassemblement de la gauche du PS a manqué à tous les congrès depuis vingt ans. Il surgit toujours au dernier moment une « gauche » de confort, toujours réputée « moderne » par opposition à l’autre réputée archaïque. En général, les médias l’encensent sans grand discernement ni mémoire. Au congrès de Dijon, juste après la défaite de 2002, la gauche « moderne », c’était Peillon, Montebourg, Assouline. On connaît leur exploit « de gauche » depuis. La synthèse du congrès du Mans est née aussi de ces jeux de rôle. Je pourrais donner d’autres exemples. Il faut donc tirer les leçons du passé et être exigeant. J’ai lancé un appel à se regrouper. Il est resté sans réponse. Depuis la rentrée, des rencontres ont eu lieu. Mais, à dix jours du conseil national de dépôt des motions, nous ne savons toujours pas qui est prêt à rédiger une motion de gauche indépendante. La tentation des alliances à géométrie variable est très grande. Mais il y aura au moins un texte de gauche sans concession, celui que nous avons préparé avec Marc Dolez.

Pour la quatrième année, votre association PRS aura un stand à la fête de l’Humanité, en quoi ce rendez-vous est-il important pour vous ?

Certes, nous avons une relation particulièrement chaleureuse avec les communistes depuis l’épopée du « non » de gauche au référendum. Mais il y a plus. C’est un lieu magique pour les dialogues à gauche. Il n’a pas d’équivalent. Pour nous, c’est un point de contact ouvert avec le peuple populaire de gauche. Nous jouons le jeu à fond. La préparation de notre grand stand nous mobilise des semaines avant. En retour, la fête nous ressource, nous renforce et nous transforme chaque année.

Politique
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