Courrier des lecteurs Politis 1024

Politis  • 30 octobre 2008 abonné·es

Un « prix Politis »
Si vous êtes lecteurs de Politis (ce qu’apparemment vous êtes) et enseignants dans des classes supérieures, lisez attentivement la lettre qui suit. Le projet nous passionne déjà. Aidez-nous à le réaliser.
(pagecourrier@politis.fr).

Je suis enseignant de français, et plus précisément de « culture et expression », selon la nouvelle terminologie concernant les classes de brevet de technicien supérieur.
Je travaille avec des étudiants en BTS sections technologiques, électronique et maintenance industrielle ; population pour laquelle le français n’est pas véritablement l’objectif prioritaire.
Chaque année, nous devons déployer astuces et stratégies pédagogiques pour amener nos étudiants à s’impliquer ; cette recherche constituant sans doute l’une des richesses invisibles de notre métier, à défaut de parachute doré.
Je viens donc vous confesser l’odieuse exploitation de votre journal, dans la première séquence de cette année 2008-2009.
Objectifs : renforcer les compétences en expression écrite et orale, et encourager les étudiants à la lecture. Pour sortir de la pince « textes de vieux » et « textes prise de tête », je me suis largement appuyé sur votre journal, Politis.
Chaque étudiant reçoit un numéro, avec cette mission : partir à la découverte des articles, en repérer un « qui vous intéresse particulièrement », puis « briefing » oral, chacun justifiant les raisons de son choix… Étape suivante : quelles sont les questions auxquelles l’article s’efforce de répondre ?
Et ainsi de suite, enchaînement de situations, d’exercices individuels et collectifs, écrits et oraux, pour arriver à ce que chaque élève rédige un article de presse sur le thème de son choix, en respectant les règles de l’écriture journalistique, avec une véritable implication personnelle… « Comme pour de vrai », en quelque sorte.
Je ne sais si votre journal possède des vertus euphorisantes, voire roboratives, mais la séquence fonctionne à plein régime, et la majorité des étudiants sont au taquet pour remettre leur article dans les temps. Chez nous, « le bouclage » sera jeudi.
Mais, plus grave encore, se piquant au jeu, ils proposent d’envoyer les articles au journal dans l’espoir d’être publiés. Comme pour de vrai, vous dis-je ! De plus, ils proposent la création d’un « prix Politis » qui récompenserait, annuellement, le meilleur article de presse rédigé par des étudiants de BTS. Ils se voient, naturellement, les mieux placés pour recevoir le prix de cette année.
Cher Politis , que pouvez-vous faire ?
Je crains que les étudiants n’envisagent de créer leur propre journal.
Cordialement,

Raphaël Sardou, professeur de lettres

La crise, vous dis-je !

Quelle aubaine que cette crise, pour Nicolas Sarkozy ! On se croirait dans une comédie de Molière. Vous savez : le poumon, le poumon, le poumon ! La baisse (catastrophique) du pouvoir d’achat ? La crise ! La montée (vertigineuse) du chômage ? La crise ! Le moral des Français en berne ? La crise, vous dis-je ! Et ce n’est pas tout. La crise va permettre à notre chef bien-aimé de faire ce dont ni Marx ni Mao n’avaient seulement rêvé : faire financer le capitalisme par les contribuables, donc par ses victimes. Ce n’est pas magnifique, ça ? Et ce n’est toujours pas tout : elle va lui permettre de faire accepter ce grand bond en arrière (au nom de la modernité, forcément) qu’il rêve de léguer à l’humanité. Car revenir à l’Ancien régime et à la monarchie, c’est assez facile, le terrain a été bien préparé par ses prédécesseurs, à commencer par le général fondateur de la Ve République.
Mais il faut faire plus, toujours plus. Or, il va maintenant être facile de faire adopter le travail du dimanche : le peuple le demande. Puis le travail de nuit des femmes. Elles le demanderont. Puis celui des enfants (on n’aura même pas à leur poser la question, ils sont mineurs). Et on pourra ainsi opérer la réforme suprême : la suppression du code du travail, cet « immense frein à l’emploi » devenu sans objet. Nous serons enfin revenus au Moyen Âge et au temps béni du servage, après quoi le retour à l’Antiquité et à l’esclavage ne sera plus qu’un jeu d’enfant. On aura accompli le prodige d’abolir en quelques mois deux mille ans d’histoire. Et qui l’aura fait ? C’est notre Sarko à nous ! Pendant que Ségo fait son show, Sarko est au boulot. C’est beau comme un slogan de Séguéla. Vive la crise, chantait Yves Montand (sur des paroles qu’il ne savait pas être de Guéant-Gaino).

Philippe Bouquet, Le Mans (Sarthe)

La gauche et l’école

Mesdames et messieurs les députés, les élus de gauche, les responsables du PS, on ne vous entend pas beaucoup sur l’école. Vous n’avez donc rien à dire sur ce qui se passe ? Sur la suppression de 15 000 postes par an, la sédentarisation des Rased dans les écoles de taille importante, la disparition du corps des enseignants remplaçants en faveur de la précarisation de l’emploi de vacataires non formés pour effectuer les remplacements d’enseignants absents, la disparition de la formation continue, la disparition de la formation initiale et des IUFM, la diminution du temps de l’offre scolaire, la mise en place d’une usine à gaz pour une prétendue aide personnalisée, la disparition des subventions aux associations d’éducation populaire, les atteintes régulières au métier d’enseignant – et j’en oublie certainement ?
Non, on ne vous entend guère…
Ah si, j’oubliais ! Vous mettez gentiment (pour ne pas dire servilement) en place la politique de Nicolas Sarkozy, vous récupérez des heures d’Atsem, vous vous débattez avec les transports, vous utilisez la base élèves… Mais où en sont nos idéaux d’une école de qualité, gratuite, la même pour tous, quel que soit le territoire sur lequel on vit, une école de l’intelligence et non de l’obéissance ? Les enseignants qui résistent sont attaqués, et vous n’êtes jamais là.
Je pense que Jules Ferry et bien d’autres doivent se retourner dans leur tombe à force de ne pas vous voir porter notre parole. Vous ne portez plus qu’une parole, la vôtre. Vos discours sont plats, vos piques n’assassinent personne… Xavier Darcos brade l’école, brade la maternelle, et vous ne bougez pas. Et surtout, vous ne tenez aucun discours porteur d’espoir. Si on vous remet au pouvoir, que ferez-vous ? Quelle école ferez-vous ? Reconstruirez-vous les IUFM ? Mettrez-vous en place une bonne fois pour toutes des horaires scolaires respectant les rythmes des enfants et non ceux de leurs parents ou des centres commerciaux ? Reconstituerez-vous les réseaux d’aides ? Revendiquerez-vous une école pour tous ? Une école de la République et non une école de marchands ?
Je suis militante d’un mouvement pédagogique dont les subventions diminuent d’année en année. L’État actuel étrangle financièrement toutes les associations qui pensent. Les associations se débattent, le sable devient de plus en plus mouvant sous nos pieds. On dirait que ça vous arrange, que vous laissez Sarko faire le sale boulot !
Moi, je voudrais vous entendre tous les jours défendre l’école, les enseignants, notre système scolaire… mais votre silence est vraiment assourdissant. J’étais à la manifestation de dimanche à Paris. Et vous, mesdames et messieurs ?

Joëlle Martin, enseignante,
Neuville-de-Poitou

Message aux élus de gauche

J’ai signé l’appel de Politis avec l’espoir qu’enfin le bonheur serait pour demain… ou après-demain, mais pas « éventuellement », « peut-être » en 2012. Mesdames, messieurs les élus, les candidats de gauche (que cette gauche soit communiste, écologiste, socialiste, NPA, LCR et j’en passe), il serait temps que vous preniez vos responsabilités dès maintenant car c’est bien de dire que « c’est urgent », mesdames et messieurs Bavay, Piquet, Dolez, Cohen-Seat, Mélenchon, Villiers, Quilès… mais que faites-vous de l’urgence de l’Europe, celle-là même qui a conduit la France entière, oui la France entière, à discuter d’un projet dévastateur et a finir par le rejeter ?
Je n’entends rien sur cette échéance, on va faire comme d’hab, la gauche en ordre dispersé ? Moi, je ne ferai pas comme d’hab : j’irai marcher dans la nature et profiter de ceux que j’aime […]. Je ne serai pas la seule, tous ne vous le diront pas. Si vous pensez que j’ai tort, prouvez-le, car là, vraiment, ça suffit. Vous avez compté sur moi pour beaucoup d’échéances électorales, maintenant je veux pouvoir compter sur vous tous de gauche pour celles de 2009.

Katya Chomette

Les vingt ans de l’ADS

Dissidence du parti communiste en Limousin, l’ADS (Alternative pour la démocratie et le socialisme) a été créée par Marcel Rigout, ancien ministre de la formation professionnelle. Le samedi 18 octobre, à Limoges, un débat public était organisé à l’occasion des vingt ans de cette formation. Marcel Rigout, Pierre Allard (maire de Saint-Junien), Clémentine Autain (féministe), François Asensi (député PCF), Noël Mamère (député-maire Vert), Christian Picquet (LCR-NPA) et Patrick Quiqueton (MRC) se sont exprimés à la tribune du conseil régional du Limousin et ont écouté ensuite les nombreux intervenants.
J’ai assisté au débat, que j’ai trouvé particulièrement constructif, porteur d’espoir et tout à fait dans la ligne de l’Appel de Politis. J’ai néanmoins regretté l’absence de Bruno Julliard (PS), dont la présence était annoncée et qui a eu un empêchement. Les élus locaux du PS étaient rares dans la salle, mais peut-être ne les ai-je pas reconnus : il y avait tellement de monde… L’essentiel n’est-il pas que l’ADS ait apporté ce jour-là sa pierre au mouvement de reconstruction d’une gauche digne de ce nom ? Oui, ce fut un bel anniversaire !

Jean-Paul Lebaron, Saint-Yrieix la Perche

La convergence sans attendre

Le Gard (30) et l’Hérault (34) sont deux départements voisins du Languedoc-Roussillon. Hasards de la politique et de la géographie, les Collectifs unitaires ultralibéraux (Cual) sont actifs dans le 34 et absents du 30, et les Alternatifs présentent une configuration inverse. Jusqu’au mardi 14 octobre, la proximité politique n’allait guère de pair avec la connivence militante, mais c’est sans doute du passé. Une première réunion s’est tenue dans un bistrot de Montpellier, où une vingtaine de militants représentant les deux mouvements se sont rencontrés en buvant l’apéritif. Il a bien sûr été question de l’idée de fédération (hypothèse en cours d’élaboration des Communistes unitaires, des écologistes radicaux, des Alternatifs et des Cual) et de cadre permanent de la gauche de transformation sociale et écologique (Appel de Politis ).
La convergence (et plus) apparaît bien comme une nécessité alors que les avis sont plus contradictoires et encore flous sur sa forme : espace, fédération, confédération, adhésion individuelle, autonomie des collectifs, permanence des organisations ? À creuser, donc. Côté travaux pratiques, nous allons travailler dans un premier temps sur des problèmes spécifiquement régionaux, tels les transports ou le scandale du financement public d’un lycée confessionnel par le conseil régional, avec à sa tête l’hyper-président hyperfrêchiste Georges Frêche. Bref, on s’en doutait, mais, comme dit Bashung : rien ne s’oppose. Nous allons donc continuer.

Lionel Millerand, Montpellier

Courrier des lecteurs
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