Femmes invisibles

François Chilowicz a suivi le quotidien d’une profession ingrate : femme de ménage.

Jean-Claude Renard  • 2 octobre 2008 abonné·es

Elles briquent, astiquent, dépoussièrent, en cadors du balai, de l’aspirateur et de la brosse, le seau pas loin. Repassent, étendent. Les mains dans le produit à lessive, l’échine courbée. Elles rangent encore, remettent de l’ordre. Rigoureuses. Hardies. Elles sont partout, on ne les remarque guère.
Ce sont les femmes de ménage. Sous-estimé socialement, voilà un métier qu’on prend quand tous les autres sont impossibles. De fait, s’y croisent immigrées, des êtres démunis, peu instruits, des femmes divorcées, cassées par la vie, qui parviennent toutefois à trouver les moyens d’une survie dans ce boulot ingrat. Elles nettoient les domiciles privés, les immeubles, les espaces publics, marnent en hôtels, dans les bureaux, les administrations. Et jamais personne pour les voir. Des femmes de l’ombre en somme, sur lesquelles François Chilowicz a braqué sa caméra.

Le réalisateur a choisi Toulouse. Un exemple comme un autre. Sur trois cents femmes approchées, cinquante ont accepté la rencontre, une poignée ont bien voulu être filmées. Parce que c’est un boulot méprisé, « honteux ». Mais il faut bien croûter. Chilowicz livre un univers de précarité, entre l’urgence financière et l’inconfort moral, sans autre avenir que le lendemain toujours recommencé, instable. On compte les heures pour arriver à quelques euros, remplir le Caddie nécessaire aux mouflets. C’est une misère qui se tient, une misère digne. Sous l’œil de la caméra glissée jusque dans les toilettes, ces femmes ont un point commun : une force de caractère, la volonté de ne dépendre de personne.
Le réalisateur a tenté une incursion dans les sociétés de nettoyage, essuyant chaque fois des refus. Forcément, les conditions de travail y sont indignes. Les femmes qui témoignent ici, avec pudeur, endossent ainsi le rôle de porte-parole d’une vie de sacrifices, des existences invisibles. C’est « la société d’en bas » , dit l’une d’elles. Une société à l’intérieur de celle, de plus en plus peuplée, des travailleurs pauvres.

Médias
Temps de lecture : 2 minutes