Une épargne de résistance

Guillaume Légaut, directeur de Finansol, montre en quoi certains produits financiers solidaires échappent à la crise.

Philippe Chibani-Jacquot  • 30 octobre 2008 abonné·es

Pour la première fois, Finansol demande aux citoyens d’interpeller leur banquier pour renforcer l’offre de produits solidaires [[
Campagne d’envoi de cartes postales sur <www.parlezenavotrebanquier.com>.]]. La crise financière a t-elle été le déclencheur ?

Guillaume Légaut : Cette crise a justifié l’orientation que nous avions prise auparavant. Jusqu’à présent, nous avions une démarche fondée sur les valeurs de la finance solidaire, une sorte d’autopromotion. La Semaine de l’épargne solidaire [[
Une Semaine de l’épargne solidaire a été organisée du 18 au 25 octobre et aura un prolongement en novembre pendant le « Mois de l’économie sociale et solidaire en France ».]] vise à mettre les banquiers face à leurs responsabilités et à inciter les citoyens à devenir acteurs dans la campagne. À part un ou deux réseaux bancaires un peu plus militants, la plupart des réseaux se sont contentés de créer des placements dans leur gamme, sans avoir une véritable démarche de proposition auprès de leur clientèle. Pourtant, on voit bien que les particuliers sont de plus en plus sensibles aux questions de responsabilité, de cohésion sociale et d’engagement autour du développement durable : en 2007, ils étaient 57 % à avoir entendu parler de l’épargne solidaire.

Faut-il attendre un positionnement plus incisif face aux errements du système financier ?

L’idée d’affirmer une forme de résistance à un marché spéculatif est réelle. En même temps, nous sommes inscrits dans l’économie de marché. L’idée n’est pas de créer un système alternatif, mais bien de soutenir, à l’intérieur du système, l’idée qu’on peut avoir un système financier plus responsable. Dans le contexte de crise, l’épargne solidaire résiste à la spéculation. Elle résiste car elle est ancrée dans une économie réelle et humaine. La performance financière des produits solidaires, qui est modeste en temps d’explosion boursière à la hausse, est extrêmement bonne en cas de catastrophe boursière.

Mais comment caractériser cette résistance quand on sait que bon nombre de produits ont un pied dans le marché financier classique ?

L’épargne solidaire résiste car elle est placée sur de très petites entreprises. Il y a une sorte de répartition du risque. De plus, elle est placée sur des entreprises qui ont un niveau de croissance réaliste dans l’économie d’aujourd’hui, soit 2 à 3 %. Quand vous avez des marchés qui font 15 % de croissance, il y a quelque chose de fictif derrière tout ça. Il ne faut pas s’étonner si ça s’écroule à un moment donné.
Maintenant, je suis d’accord pour dire que les produits solidaires qu’on appelle 90/10 (parce qu’ils ont 90 % de l’encours sur les marchés boursiers) sont touchés par la crise. Mais, le plus souvent, ils sont placés sur des produits éthiques. L’épargne solidaire développe aussi un sens des responsabilités pour la partie placée sur les marchés cotés. Durant ces derniers mois où germait la crise, j’ai été frappé de l’inflation du nombre de demandes de labellisation de produits solidaires. En six mois, on est passés de 60 à 80 produits labellisés. Cela montre qu’un déclic se produit dans l’esprit des établissements. Ils se disent qu’il existe une clientèle qui a le sens des responsabilités et pour laquelle il faut intégrer des placements adaptés, résistant un peu mieux en cas de crise.

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