Vermont, l’État rebelle
Cet état rural du nord-est des États-Unis est l’un des territoires les plus progressistes du pays, avec une politique écologiste offensive. Certains y militent pour la sécession.
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Sur le minuscule ferry qui rejoint Essex (État de New York) à Charlotte (Vermont), entre les rives du lac Champlain, à quelques encablures de la frontière québécoise, on pourrait clouer cet écriteau : « Attention, terre rebelle ». En 1777, celui qui est aujourd’hui le troisième plus petit État de l’Union (623 000 habitants) s’autoproclame République indépendante. La longue bagarre territoriale avec les États voisins et les Britanniques terminée, le Vermont devient, en 1791, le premier territoire à rejoindre les treize États fondateurs des États-Unis. Il restera un original : premier État à abolir l’esclavage, puis la peine de mort, le Vermont a été plus récemment le premier à reconnaître les unions libres de même sexe.
Le Vermont est aussi réputé pour sa politique écologiste offensive. Le dispositif gouvernemental Efficiency Vermont propose une aide technique et financière aux particuliers et aux entreprises afin de réduire leurs dépenses énergétiques. Partout sur le territoire, les gigantesques panneaux de publicité qui polluent les routes américaines sont interdits. Montpelier, la capitale administrative de l’État, est la seule capitale d’un État américain à ne pas subir la présence d’un McDonald’s. Enfin, sur le plan politique, les deux sénateurs du Vermont à Washington, Patrick Leahy (Démocrate) et Bernie Sanders (Indépendant), sont connus pour leurs positions très progressistes et leur opposition farouche à George Bush.
C’est sur ce terreau de gauche, acquis aux idées progressistes depuis l’arrivée massive de jeunes aux cheveux longs dans les années 1960, que s’est peu à peu greffée l’idée d’indépendance, défendue par l’organisation Second Vermont Republic. Le concept est loin d’être une fantaisie : le principe de sécession est appuyé par 11,5 % de la population, selon un sondage de l’université du Vermont réalisé en 2008. Et le journal bimensuel des indépendantistes, le Vermont Commons , tire à 10 000 exemplaires.
Au cœur de la forêt, sur la commune de Charlotte, se niche la confortable maison de Thomas Naylor, théoricien de la « Seconde République du Vermont » et professeur en économie à la retraite de la prestigieuse université de Duke. Entre un piano, le portrait d’Albert Camus et l’intégrale de Shakespeare, ce grand bonhomme svelte de 72 ans, lunettes cerclées de fer et cheveux blancs en désordre, pose le décor : « Le gouvernement américain, qu’il soit démocrate ou républicain, appartient aux grandes entreprises de ce pays. Obama est pour la guerre en Afghanistan, pour la peine de mort, et il soutient le gouvernement israélien, extension de l’Empire américain, sans aucune réserve. Je ne vois là aucune différence fondamentale avec les Républicains. » Pour l’ancien ingénieur informatique, qui se définit comme un « libertaire de gauche, tendance anarchiste » , la popularité croissante du projet d’indépendance s’est construite sur le sentiment anti-Bush et sur « la perte de toute autorité morale du gouvernement américain » . Dans ce contexte, « la sécession est un acte de rébellion et de colère face à un système dans lequel nous ne nous reconnaissons pas », explique-t-il.
Tout en diplomatie, Rachel Weston, 27 ans, plus jeune représentante (députée) à la Chambre du Vermont, juge le mouvement sécessionniste comme un « exercice académique intéressant. Mais je crois que cela n’arrivera pas, car le Vermont a une vraie conscience nationale ». Pour cette « progressiste avec un petit “p”, dans un contexte local très progressiste » , les Vermontais « sont vraiment engagés politiquement. Ils se parlent beaucoup, sont solidaires. Or, quand on échange, on connaît l’autre, ses problèmes et ses spécificités. »
Pour autant, « il reste beaucoup à faire chez nous » , avoue l’intarissable jeune femme, yeux bleus et longue chevelure sombre, qui se bat pour les énergies vertes, les salaires, la réforme des prisons ou encore la couverture santé. En 2012, la plupart des contrats énergétiques signés par le Vermont avec de grosses compagnies privées commenceront à expirer. Rachel Weston espère encore tenir un rôle politique à cette échéance pour « tenter de faire de notre État une terre indépendante en énergie et pilote en matière d’énergie verte. C’est le grand enjeu à venir pour le Vermont. » Le petit trublion du Nord-Est n’a pas fini de faire parler de lui.