ça bouge à gauche !

Le spectacle d’affrontements et de divisions qu’offre le PS sur fond d’alignement sur la social-démocratie européenne accroît les responsabilités de la gauche de gauche. Un dossier à lire dans notre rubrique **Politique** .

Michel Soudais  • 27 novembre 2008 abonné·es
ça bouge à gauche !

Quel spectacle ! Le scénario joué par le Parti socialiste depuis Reims a tous les ressorts d’un feuilleton à rebondissements. Après un congrès désastreux, d’où aucune ligne politique majoritaire n’est parvenue à émerger, le vote des militants pour élire le Premier secrétaire n’a pas permis de désigner nettement qui de Martine Aubry ou de Ségolène Royal allait succéder à François Hollande. Les 42 petites voix d’avance pour la maire de Lille (sur 137 000 votants) n’ont pas permis de la proclamer vainqueur à l’issue du scrutin. Sa rivale conteste le résultat. Des oublis et des erreurs accréditent ses doutes sans inverser vraiment le résultat. Faut-il recompter ? Revoter ?
De contestations en recomptages, la suspicion fait son œuvre. Le parti conduit onze ans durant par François Hollande paie comptant le maintien de pratiques électorales suspectes, dénoncées à chaque congrès. Et l’on voyait mal, mardi matin, comment le conseil national, convoqué en urgence dans la soirée, pourrait dénouer une situation insoluble. Après des semaines de débat interne, quatre jours de déclarations fracassantes ponctuées de menaces de recours judiciaires et d’appels à manifester (!) devant les grilles de Solferino, le premier parti de la gauche n’est déjà plus qu’un champ de ruines.

Illustration - ça bouge à gauche !

Le PS est depuis bien longtemps absent sur le front des luttes sociales.
Hache/AFP

Au-delà du spectacle de sa division en deux camps irréconciliables, le PS expose ses travers en pleine lumière. La présidentialisation, la personnalisation des débats et le mépris des débats politiques l’ont profondément transformé. Ce n’est pas le poids des courants qui est responsable de la cacophonie actuelle mais leur faiblesse. Comment expliquer autrement que d’un vote à l’autre des adhérents, nombreux, qui ­s’étaient prononcés pour la motion de Bertrand Delanoë choisissent de porter Ségolène Royal à la tête du PS alors même que le maire de Paris les en avait dissuadés au nom de la conception du parti que son texte défendait ? La gauche du PS n’échappe pas non plus à cette volatilité : l’appel de Benoît Hamon en faveur de Martine Aubry n’a pas mieux été suivi, et la présidente de Poitou-Charentes a pu récupérer, au second tour, une partie des voix qui s’étaient portées au premier sur le jeune député européen, ­indiquant ainsi que ces adhérents avaient moins voté pour ses idées que pour choisir une nouvelle tête. Cette désidéologisation, qui ­n’épargne aucun courant, permet de comprendre pourquoi Ségolène Royal a pu passer en trois scrutins de 29 % à 50 % sans le ralliement d’aucun courant.
Le congrès de Reims devait conduire à une « rénovation » du PS, une « clarification » de sa ligne politique et la désignation d’un leader pour le conduire. De la ligne politique, il a été peu question, tant les responsables socialistes s’accordent sur la nécessité de l’aligner sur celle du Parti socialiste européen (PSE). Les résignations dont cette ligne est porteuse face à la mondialisation heurtaient déjà l’idée que l’on pouvait se faire d’un parti « socialiste ». L’étalage des haines personnelles achève de le déconsidérer.

Cet affaiblissement durable du premier parti de gauche accroît les responsabilités de la gauche de gauche en même temps qu’elle lui apporte une belle occasion d’offrir une alternative politique sociale et écologique aux électeurs de gauche écœurés et en colère. Y est-elle prête ? Sans doute pas encore. La victoire du « non » au référendum du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen a montré la puissance du courant antilibéral dans l’électorat de gauche. Mais l’échec tragique de la tentative de regroupement des forces qui s’en réclament autour d’une candidature unitaire en 2007 a montré les limites d’un tel rassemblement. Les cicatrices de ce traumatisme ne sont pas totalement refermées même si l’Appel de Politis , lancé mi-mai, a permis de renouer une partie des fils qui s’étaient rompus.

Des regroupements sont en cours qui, tous, travaillent à la constitution d’une force politique nouvelle. Même si les chemins empruntés ne sont pas identiques, ces convergences sont le signe que la gauche bouge. Et se réinvente un avenir. Dernière initiative en date : la création du Parti de gauche par Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez dans la foulée de leur départ du PS. Cette jeune formation, qui tient son meeting de lancement ce samedi au centre sportif de l’Île-des-Vannes, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), crée une situation nouvelle. Avec le PCF, elle propose de construire aux européennes un front politique ouvert à toutes les forces qui composaient l’arc politique du « non » de gauche.
Cette perspective, qui semblait encore inaccessible il y a quelques semaines, doit encore se concrétiser. Mais dans un contexte économique, social et politique particulièrement sombre, la petite lueur d’espoir qu’elle fait naître n’est pas négligeable.

Politique
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