Courrier des lecteurs Politis 1025

Politis  • 6 novembre 2008 abonné·es

Un message du marabout Biclou

L’envoûtement par la voiture, on peut y échapper ! Nombre d’automobilistes et autres motorisés franciliens sont poursuivis sans relâche par des problèmes d’argent, de santé, d’amour ou de temps. Le moment est venu d’exorciser le mal qui les touche en faisant appel au très célèbre et non moins modeste marabout Biclou. Les élus parisiens également devraient se méfier de l’envoûtement et consulter plus souvent le marabout Biclou. Imaginons :
– Des vies sauvées de l’empoisonnement par respiration d’air vicié.
– Plus aucune visite chez le médecin : pratiquer quotidiennement le cyclisme (même urbain) est positif pour votre santé et celle des autres.
– Plus aucune visite chez le garagiste : l’entretien et la réparation d’un vélo
sont simples et à la portée de tous.
– Plus aucune raison d’être stressé ; les mots « embouteillages », « se garer », « prison de verre », « klaxon » ou « Bouge de là, trou du’c » disparaissent du vocabulaire usité.
– Plus aucune visite chez votre banquier : fini les remboursements de crédit pour l’acquisition d’un véhicule motorisé (achat, entretien, assurance, ravitaillement en énergie, contrôle technique, parking, autoroute, etc.).
– Épargne fabuleuse pour investissement minimum : économie de plus de cinq mille euros par an (source : Automobile club) pour un investissement sur quelques années de quelques centaines d’euros au plus (incluant les équipements futurs), dépréciation quasi nulle.
– De la place, du silence et de l’air, pour respirer, marcher, se rencontrer, échanger, etc. ; des millions de mètres carrés libérés, des oiseaux à nouveau audibles, de l’air respirable…
Le collectif Vélorution proposera samedi 1er novembre, à 14 heures, place du Châtelet, à Paris, une consultation collective, joyeuse, conviviale et gratuite avec le marabout Biclou.

Vélorution

Un quart de siècle dans les prisons françaises

Georges Ibrahim Abdallah, communiste arabe, militant de la cause palestinienne, entame ce vendredi 24 octobre 2008 sa vingt-cinquième année de prison en France dans l’indifférence générale. Qui ne dit mot consent… Les partis politiques, les médias, les intellectuels, la plupart des militants de la cause palestinienne, tous ceux qui se taisent sont responsables, à différents niveaux, de cet acharnement étatique.
Il y a soixante ans, 800 000 Palestiniens étaient contraints de fuir leurs villages devant les bandes armées sionistes et les terroristes de l’Irgoun/Stern. Les assassins, futurs fondateurs de l’État illégitime d’Israël, sont demeurés impunis. Georges Abdallah, lui, est toujours derrière les barreaux. Son « crime » : non pas avoir posé des bombes aveugles ni commandité des massacres contre des populations civiles, mais avoir milité au sein d’une organisation, les Fractions armées révolutionnaires libanaises (Farl).
Face à l’occupation de leur pays, le Liban, les résistants communistes des Farl ont décidé de frapper leurs ennemis partout où cela était possible, exécutant un agent du Mossad, services secrets israéliens responsables du meurtre de Palestiniens hors d’Israël, et un attaché militaire étatsunien à Paris, quelques mois avant que ne soit perpétrée la boucherie de Sabra et Chatila lors de l’opération de nettoyage cyniquement intitulée par Israël « Paix en Galilée ». Pour être allé au bout de son engagement, Georges Abdallah a été condamné à la perpétuité en 1987. Il est libérable depuis 1999. Il y a dix ans qu’il aurait pu recouvrer la liberté ! Mais de la théorie/justice formelle à la pratique/justice de classe, il y a un gouffre : en 2003, la juridiction régionale de libération conditionnelle de Pau se prononce pour sa remise en liberté. Le ministre de la Justice s’y oppose. En 2007, la DST lui emboîte le pas au motif que Georges Abdallah « sera probablement fêté comme un héros à son retour dans son pays ».
Georges Abdallah est un symbole vivant de la résistance du peuple palestinien qui ne se résigne ni au vol de ses terres ni à l’avenir misérable que lui réservent les spéculateurs en col blanc. À l’heure où le capitalisme trébuche et où les forces impérialistes en Afghanistan s’enlisent, les idées de justice portées par Georges Abdallah sont plus que jamais vivantes. Il doit être libéré !

Le Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah

À qui vont les sifflets du match France-Tunisie ?

Dans l’affaire des sifflets du match de football France-Tunisie pendant « la Marseillaise », il faut se résigner. C’est le football, au fond, cette tare démocratique, qu’il faudrait supprimer. […] En attendant, il faut se poser une question. Qui a sifflé ? On peut douter que les supporters tunisiens aient été majoritaires dans le stade […]. C’est donc qu’ils devaient être français. Français d’origine tunisienne ou Franco-Tunisiens ? Le terme « Franco-Tunisiens » dit que deux racines se partagent en eux. « Français d’origine tunisienne » fait d’eux des Français, à l’instar des Français d’ascendance italienne, polonaise, franque, viking ou grecque. Si un stade est évacué, c’est une foule de Français d’origine sud-méditerranéenne qui s’affrontera à la police de l’État à cause d’un symbole national : « Qu’un sang impur abreuve nos sillons »…
Serais-je le décideur, avant de faire arrêter un match, j’y réfléchirais à deux fois. J’arrête ? C’est l’émeute, la blessure ravivée du colonialisme, la guerre algérienne jamais reconnue qui remonte, et un coin solidement et durablement enfoncé entre Français d’origine musulmane et Français d’ascendance italienne, polonaise, franque, viking, magyare ou grecque… L’identité même de la France fracturée. Si je n’arrête pas, « la Marseillaise » est sifflée, la population de droite est sur mon dos, je suis ridiculisé dans mon pays et internationalement, tandis qu’un doute durable s’installe au sein de la population sur l’intégrité fondamentale du périmètre de la nation. Les doubles contraintes, en politique, sont les plus savoureuses !
S’ils sont Français (d’origine tunisienne), que sifflaient donc ces Français pendant « la Marseillaise » ? Que reprochent-ils donc à la nation, dont elle doit se soucier puisqu’elle constitue la chose publique, la res publica ? Et qu’est ce que ces supporters français de l’équipe tunisienne partagent avec les autres Français non musulmans, supporters d’autres équipes, collègues de travail, voisins ? Que révèlent ces sifflets de nœuds et de ressentiments lovés au cœur des quartiers, dans les écoles, les cages d’escalier, les lieux de travail, la rue ?
Dans nombre de nos campagnes, il faut à la pièce rapportée des dizaines d’années pour être admise. Depuis 1962, ce sont deux, voire trois générations d’ostracisme qui se succèdent. […] L’ostracisme suppose qu’on ait un lieu où bannir. Or, ces enfants sont nés ici, et pour nous comme pour eux, il n’y a plus d’autre rive. Lors des émeutes qui ont suivi la mort de deux adolescents qui s’étaient réfugiés dans un transformateur électrique, poursuivis par la police, gymnase, école, bibliothèque, magasins, voitures ont été brûlés. On a vu de doctes émissions télévisées animées par des journalistes célèbres rassemblant pour parler de ces troubles des experts nord-méditerranéens mâles qui soulignaient l’irrationalité de ces comportements. Brûler ce qui permet l’accès au savoir, à la culture ? Brûler les voitures de gens modestes ? Incompréhensible. Pourtant, il crevait les yeux que l’on cramait précisément ce qui n’était pas lieu de promotion mais bien d’échec : l’école, la culture, les loisirs, le travail, la consommation, la famille.
Dans les sifflets des Français d’origine tunisienne, quelle était la part acquise par contiguïté, à défaut d’union, du Basque, du Ligure, du Celte, du Franc, du Germain, du Hun, du Goth, du Vandale, de l’Alaman, du Viking ou du Magyar, c’est-à-dire le reste de la nation ? Que sifflèrent, dans « la Marseillaise », ces Français des banlieues, ces Français qui se paupérisent ? Que sifflèrent-ils qui préoccupe la nation ? Voulaient-ils dire qu’avec l’hymne, c’est la nation entière qu’il faudrait régénérer ?

Étienne Maillet

La crise alibi

Je viens de recevoir une demande de ma banque (le Crédit agricole, dit « Crédit bouse ») de photocopie de ma carte d’identité. Un dépliant, joint à ce courrier, dit que la banque souhaite mieux connaître ses clients, en termes de placements et de patrimoine. Big Brother nous fiche, la banque fait le ménage parmi ses clients sous le seuil de pauvreté, mais est-elle en lien avec le ministère de l’Identité nationale ? Je ne fournirai pas cette copie. […]
Restons vigilants, la crise financière ne doit pas servir d’alibi. Si le système est gangrené, doit-on amputer ou mettre des pansements ?

Pascal Sauvage, La Roche-sur-Yon (Vendée)

Le PS à l’Ouest ?

Ne sont-ce pas deux socialistes (André Chandernagor et Guy Mollet) qui avaient déclaré que le PC n’était pas à gauche, mais à l’Est ? Aujourd’hui, serait-il de bon ton de se demander si le PS n’est pas… à l’Ouest, et ce dans tous les sens du terme ?
Ainsi, pendant que le président de la République bat les estrades, que ses ministres les plus libéraux se proposent de poursuivre dans la voie du toujours plus de libéralisme (fusion ANPE-Assedic, ouverture du capital de La Poste, travail « volontaire » du dimanche…), François Hollande s’inquiète de ne pas avoir été consulté sur la possibilité de travailler après 65 ans, les députés de ce parti s’abstiennent sur le plan de sauvetage des banques proposé par le pouvoir en place, ses dirigeants ne jurent que par l’élection présidentielle de 2012.
Et la mobilisation populaire, chers camarades ? Aujourd’hui, s’il demeure une information qui ne fleure pas le consensus mou, nous le devons à Marianne, Politis, Rue89… Et recréer du lien social, ouvrir des perspectives pour le peuple, redonner sens à la république sociale n’est l’affaire que de quelques tentatives heureuses mais encore minoritaires, à l’exemple de l’appel de Politis à construire une gauche de transformation.
À croire que le parti majoritaire à « gauche » oublie qu’il gère nombre de régions, de départements et de communes, qu’il aurait, au-delà de ses querelles de leaders, la possibilité d’organiser partout en France des débats (participatifs ?) sur le sens de la crise capitaliste et les réponses à apporter, qu’il peut jouer un rôle majeur dans la riposte nécessaire à la politique funeste et hypocrite du pouvoir.
Le veut-il ? Le souhaite-t-il ? A-t-il réellement des propositions alternatives à faire ?
C’est à la condition de définir un vrai projet de transformation socialiste que le soutien « verbal » apporté par tel ou tel leader du PS aux salariés de Renault-Sandouville prendra sens.
Dans des entreprises, lors de rassemblements, nombre de militants – qui au PS, qui au PC, qui républicain de gauche, qui écologiste, qui séduit par le Nouveau Parti anticapitaliste – se parlent, débattent, font front. Devront-ils demain s’organiser hors le PS ?

Casimir Gauthier, Les Loges (Seine-Maritime)

Courrier des lecteurs
Temps de lecture : 10 minutes