Les manuels scolaires au piquet
dans l’hebdo N° 1026 Acheter ce numéro
Doit mieux faire ! Voici, en substance, l’appréciation de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) à la suite de son étude sur la place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires. Rendue publique le 6 novembre, cette enquête a été conduite sur une trentaine d’ouvrages d’une dizaine de matières et plus de 3 000 illustrations par une équipe de l’université Paul-Verlaine de Metz. 190 enseignants ont répondu à un questionnaire, et 34 élèves et 18 enseignants ont fait l’objet d’un entretien. La démarche a conjugué trois approches : juridique (évaluation du traitement des questions de discrimination et d’égalité), cognitive (analyse de l’accès à l’information sur la discrimination) et psychosociologique (étude des stéréotypes concernant le sexe, l’origine, le handicap, l’orientation sexuelle et l’âge). Il en ressort que : les manuels ne font pas assez le lien entre discrimination et principe d’égalité ; la discrimination n’est pas toujours présentée comme un délit grave ; les images laissent souvent l’élève faire seul certains liens ; les femmes continuent à être moins valorisées que les hommes ; les personnes d’origines étrangères sont représentées le plus souvent dans des situations « dévalorisantes ou de pauvreté » ; le handicap est rarement évoqué ; les personnes âgées sont montrées soit malades soit dégénérescentes ; et l’orientation sexuelle n’est pas traitée…
Comment faire évoluer les représentations et reculer les discriminations dans ces conditions ? Aux éditeurs scolaires, la Halde demande « de prendre les mesures permettant de corriger les stéréotypes existants » et de « souligner que la discrimination est un délit grave sanctionné pénalement » . « Parmi les huit responsables des principales maisons d’édition interviewées, une seule s’oppose à la mise en œuvre de toute forme de politique en matière de gestion de la diversité » , précise la Haute Autorité. Sa requête pour l’Éducation nationale : « que tous les programmes du secondaire intègrent cette question [des discriminations] » et que les personnels reçoivent une formation spécifique. Glissant que cette étude a été réalisée dans des « conditions difficiles » – questionnaires peu relayés notamment – et que l’impact des programmes sur les contenus n’a pas été assez pris en compte, la Halde annonce qu’elle va reconduire ce travail pour « observer l’évolution des manuels » . Des critères relatifs à l’activité syndicale et aux pratiques religieuses devraient être intégrés. Il était temps. Reste à savoir comment passer de l’incitation aux changements effectifs.