Portraits balzaciens
Des personnages de « la Comédie humaine » représentés par des artistes contemporains.
dans l’hebdo N° 1028 Acheter ce numéro
Qu’on se souvienne : le colonel Chabert, Eugénie Grandet, le père Goriot, Madame de Mortsauf, Vautrin, Henri de Marsay, Béatrix… Un poétique débris du règne de Louis XV, des figures de vierge, des vieillards atrabilaires et maigres, des malicieux trapus et carrés, des impérieux, de fameux gaillards, des voluptés dévorantes ou désolantes, « dérobées au pinceau par leur vulgarité même ». Toute une humanité en transe de mesquinerie, d’avarice, de ridicule, de labeurs aussi ou de noblesse altière. Ici des gouapes infectes, des histrions englués dans les défaites intimes, là des rats des champs comme de la ville, des bourgeois, des artisans de caractère, des besogneurs à l’infini. Autant de personnages nourrissant la Comédie humaine, sur lesquels Balzac s’est concentré, étirant la description. Non sans lancer un soupçon de défi aux artistes quand « il y a là des beautés à désespérer la peinture ».
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Le pari des éditions du Chemin de fer repose sur la réplique. Aux mots balzaciens, le crayon, l’huile, le bois. Une trentaine de portraits exécutés par des plasticiens contemporains. Des portraits qui ont de la gueule, une verve. Élisabeth Baudoyer (par Émilie Brisavoine) aux allures de belette, Isidore (par Mélanie Delattre-Vogt) affublé d’une tête d’hydrocéphale, Eugénie Grandet déstructurée (par Claudia Huidobro), Madame de Mortsauf (par Vincent Bizien) délavée dans la gouache grise, Vautrin (par Georges Autard) plastronnant sous l’ébauche. Ou encore le père Goriot (par Esteban Royo, photographié par Jean-Luc Paillé), enchâssé dans un cadre en bois, façon cercueil, à la verticale, sa silhouette maigre évoquée par une tige de fer surmontée de trois transversales en guise de tête. Des visages fondus dans la matière, des silhouettes esquissées, vives et nerveuses, des trognes exagérées, aux traits grossiers, accablées par les illusions perdues.
Plus qu’une déambulation dans l’imaginaire balzacien, une brinquebale avec sa foule de personnages, ponctuée d’extraits de *la Comédie humaine. Où l’on observe combien la représentation fidèle n’est pas l’aboutissement mais un début, non une fin en soi mais une possibilité.