« La croissance verte ne peut être un but »
Pour Pascal Canfin, responsable de la commission économie des Verts, la croissance verte prônée par le gouvernement est une manière d’inféoder l’écologie à une économie de croissance classique.
dans l’hebdo N° 1031 Acheter ce numéro
La « croissance verte », nouveau slogan à la mode, ne tente-t-elle pas de faire cohabiter deux principes antagonistes – le productivisme et l’écologie ?
Pascal Canfin : La croissance verte ne peut pas être un objectif en elle-même. Le but, à nos yeux, c’est la décroissance de l’empreinte écologique, la conversion écologique de l’économie et une meilleure qualité de vie pour tous. Certaines mesures de cette conversion écologique feront augmenter le PIB, car elles créeront des activités nouvelles, d’autres non. La croissance du PIB pour des raisons écologiques sera peut-être une conséquence de la conversion de l’économie, mais ce n’est en aucun cas un but en tant que tel.
Au contraire, faire de la croissance verte un objectif peut être très limitatif, car cela revient à confiner l’écologie dans une niche, et à en apprécier l’utilité au regard de ce qu’elle peut apporter au PIB. Résultat, si l’écologie ne favorise pas la croissance, alors il faudrait y renoncer.
Or, on sait que certaines mesures écologiques auront un impact négatif sur le PIB. Prenons l’exemple des transports aériens : dans le modèle de la « croissance verte », on parle à la rigueur d’avions moins gourmands en carburant, mais il n’est dit nulle part que le trafic doit être réduit.
Le recours à la technologie et aux grands travaux est le grand axe directeur de cette nouvelle approche. Un non-sens ?
Il faut bien sûr encourager une révolution technologique verte pour inventer des produits écoconçus, entièrement recyclables, économes en énergies. Mais il ne faut pas s’en tenir à l’aspect technologique, sinon cette révolution se heurtera à ce que les économistes appellent l’effet rebond : on aura des voitures plus sobres, mais s’il y a toujours plus de voitures qui parcourent toujours plus de kilomètres, et on ne réduira pas les émissions globales de gaz à effet de serre.
C’est l’Agence internationale de l’énergie elle-même qui le dit : pour diviser nos émissions de gaz à effet de serre par quatre d’ici à 2050, ce qui est la préconisation minimale des scientifiques du Giec pour les pays riches, la moitié du chemin peut être fait grâce à la technologie, mais l’autre moitié implique une modification de nos comportements et une mise à distance de notre société de l’hyperconsommation. Cette partie, qui est la partie la plus radicale de l’écologie, est totalement absente des raisonnements sur la croissance verte.
Peut-on même encore parler de « croissance verte » au regard du plan de relance de l’économie présenté par Nicolas Sarkozy ?
Le Grenelle de l’environnement, avec 400 milliards d’euros d’investissements sur les prochaines décennies environ, aurait pu constituer un cadre minimal pour la « relance verte » de l’économie. Le Président avait l’occasion de s’appuyer sur ce socle, il aurait pu décréter l’urgence sur l’application des mesures du Grenelle. Mais la majeure partie du plan de relance, c’est la relance classique des traditionnels secteurs porteurs de notre économie : le bâtiment, les routes et l’automobile.
Le plan Sarkozy est même par endroits en totale contradiction avec les mesures récemment annoncées par le Grenelle. Par exemple, lorsqu’il renoue avec le programme autoroutier ou avec l’affaiblissement de la réglementation contraignant les constructeurs de grands équipements à procéder à de vraies études d’impacts préliminaires sur l’environnement. Au nom de l’urgence économique, on va donner des passe-droits aux « bétonneurs ».
Cela montre à quel point ce gouvernement ne croit pas à l’urgence d’une révolution écologique de la société ! L’adoption des premières lois Grenelle est repoussée en permanence, et Sarkozy nous démontre qu’il n’a pas changé de perspective. Il ne s’est même pas converti à cette croissance verte minimaliste. On est vraiment loin de la rupture !