La vie des mots

Les textes de Valère Novarina et d’Armando Llamas manifestent une grande liberté de langage. Deux pièces jouées actuellement, « Le Repas » et « No Way, Veronica », en témoignent.

Gilles Costaz  • 18 décembre 2008 abonné·es

Il y eut un temps où le théâtre, taraudé par l’absurde, ne croyait plus au langage et cherchait à en montrer le vide ou le mensonge. À présent, tous les auteurs contemporains cherchent à le reconstruire. Dans cette tentative, Valère Novarina est en première ligne. Son œuvre est une danse verbale autour du mystère de la vie.
Jusqu’à maintenant, Novarina avait le plus souvent mis lui-même ses œuvres en scène dans une théâtralité mythologique. Peu d’artistes avaient affront son écriture géniale et difficile, sauf Claude Buchvald, qui lui avait donné une nouvelle liberté largement liée à un rôle plus important donné à la musique. Un jeune metteur en scène, Thomas Quillardet, l’aborde à son tour en montant le Repas à la Maison de la poésie. Il réussit son pari avec l’insolence de la jeunesse, en se souciant fort peu de ce qui s’est fait avant lui.
« Mangeons et écoutons nos bruits » , dit l’un des personnages. Autour d’une table en arrière-plan et devant elle, les personnages vont vêtus banalement ou drôlement. Ils sont tantôt nous-mêmes, tantôt des êtres de fantaisie. Les acteurs, Olivier Achard, Aurélien Chaussade, Maloue Fourdrinier, Christophe Garcia, Julie Kpéré et Claire Lapeyre Mazerat, jouent d’abord dans un registre de fausse querelle théologique, avant d’être plus dans la drôlerie du cabaret puis, en fin de soirée, de nous bouleverser d’émotion. Ce Thomas Quillardet et son équipe ont su mettre à nu le cœur de Novarina.

Avec Armando Llamas, dont Jean Boillot met en scène à Villejuif No Way, Veronica, le langage est une éternelle parodie. Tout n’est que moquerie et dénonciation des clichés sociaux par le verbe traité dans son deuxième degré. Llamas est mort trop tôt, après avoir eu le temps de voir certaines de ses pièces montées par Lavelli ou Adrien. Celle-ci est un faux film hollywoodien qui nous conte la vie de chercheurs météo sur une île subantarctique où une bombe sexuelle vient perturber un univers purement masculin. C’est à la fois le scénario et sa réalisation, puisque l’auteur décrit les stars, type William Holden et Gina Lollobrigida, en train de s’emparer des rôles.

Jean Boillot monte No Way, Veronica comme si l’on assistait à un enregistrement dans un studio radiophonique. À droite, un récitant et pianiste, Jean-Christophe Quenon ; au centre, une actrice, Katia Lewkowicz, qui fait toutes les voix en usant d’un charme très cinématographique (elle est ébouriffante) ; et, à droite, un bruiteur, David Maisse, dont le jeu et les sons ajoutent une autre dimension à cette reconstitution comique. Aiguisée par une musique de David Jisse et Christophe Hauser, cette très stimulante soirée amplifie la force des mots en multipliant brillamment les langages – sans jamais représenter ce dont il est question !

Culture
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