Le bus gratuit a le ticket
dans l’hebdo N° 1032-1033 Acheter ce numéro
Rendre gratuits les transports en commun ! La promesse a fleuri dans plusieurs villes de France lors des municipales de mars dernier. Certaines sont déjà passées à l’acte, rejoignant des expériences pionnières. Une douzaine d’agglomérations offrent actuellement un accès gratuit à leur réseau de bus. Celle d’Aubagne, avec 93 000 habitants, est la plus importante. La ville de Châteauroux (73 000 habitants), passée à la gratuité en 2002, est souvent montrée en exemple, mais l’ancêtre, c’est Compiègne, qui a supprimé la billetterie dès 1975. Ont suivi Colomiers, Issoudun, Mayenne, Vitré, Gap.
Un pari financier ? Oui, mais très modéré, contrairement à une idée reçue : la billetterie ne couvre qu’une petite fraction du budget des transports. À peine 9 % à Aubagne ! La diminution des charges (distribution, contrôle, etc.) couvre une partie du manque à gagner. L’équilibre serait atteint avec l’augmentation (automatique) du « Versement transport » des entreprises. En revanche, dans les villes de taille supérieure, la couverture plus importante des coûts par la billetterie (jusqu’à 25 %) rend la tentation de la gratuité plus périlleuse.
Effet principal de l’accès libre : il dope la fréquentation des bus. « Ce qui est un objectif sain de rentabilisation des investissements publics » , relève Olivier Louchard, du Réseau action climat. À Châteauroux, le nombre de voyages annuels par habitant est passé de 22 à 47.
De l’action sociale ? Autre idée reçue. À Châteauroux, il s’agissait d’abord de revitaliser le centre-ville. De même, la gratuité est rarement présentée comme une mesure écologique pour favoriser les transports en commun. Encore faudrait-il agir sur la part de la voiture dans les déplacements, à peine passée de 70 à 69 % à Châteauroux.
Et puis la gratuité peut devenir contre-productive, craint Jean Sivardière, à la Fédération nationale des associations d’usagers de transports (Fnaut) : « Le manque à gagner peut induire une restriction des investissements dans l’extension des réseaux, la fréquence des passages, etc. »
La gratuité des trajets reste donc souvent un simple levier de gestion, parfois réduit au gadget. La percée politique, il faut aller la chercher en Belgique, dans la ville de Hasselt (70 000 habitants). La gratuité des bus, votée il y a onze ans, a été mise au service d’un vrai projet de mobilité urbaine fondé sur un développement considérable du réseau : 2 lignes et 8 bus en 1997, 11 lignes et 46 bus en 2007, et une multiplication par 12 du trafic voyageurs.