Le désir d’être à bonne école
Un sociologue et un géographe mettent en lumière les processus de ségrégation dans le choix des établissements scolaires.
dans l’hebdo N° 1031 Acheter ce numéro
Bonne ou mauvaise école ? Les différences, de plus en plus marquées, sont de mieux en mieux connues, du fait de la multiplication des « palmarès » des établissements régulièrement publiés par les médias. Demandes de dérogations, d’options « rares », voire fausses adresses sont quelques-unes des techniques employées pour fuir l’établissement le plus proche de chez soi et envoyer sa progéniture dans un établissement plus prestigieux, généralement en centre-ville.
La question a de nouveau occupé le débat public à la suite de la promesse, au cours de la dernière campagne présidentielle, de la suppression de la carte scolaire. En dépit de l’argument avancé par le gouvernement, on s’aperçoit vite, à étudier la question, que ce ne sont pas les familles les plus défavorisées qui cherchent à s’éloigner des écoles les plus proches de chez elles, mais, à une écrasante majorité, les plus favorisées en termes de capital économique et de capital culturel, qui ont tendance à recourir à des stratégies d’ « évitement » des établissements du secteur dont ils relèvent pour « placer » leurs enfants dans ceux dotés d’une bonne réputation. C’est ce que démontre, cartes à l’appui, le travail sur la région Île-de-France de Franck Poupeau et Jean-Christophe François, sociologue et géographe, qui mettent en lumière les « processus ségrégatifs » à l’œuvre, selon la distribution des lieux de résidence et des établissements. Des processus qui se trouvent aujourd’hui « accentués » par l’assouplissement de la carte scolaire. Non seulement les familles les plus favorisées (et les plus proches des milieux scolaires, notamment les enseignants) sont les plus à même de disposer de stratégies pour choisir leur école, mais ce phénomène est plus développé dans les zones socialement hétérogènes, ayant donc pour effet un « renforcement global des contrastes sociospatiaux » dans ces quartiers. La mixité sociale autrefois garantie par l’école républicaine risque donc de plus en plus d’être un vieux souvenir.