L’ennemi de la démocratie

Gilles Costaz  • 4 décembre 2008 abonné·es

Au moment où la bibliothèque de la Pléiade publie deux nouveaux volumes de son édition des œuvres complètes de Shakespeare ( les Histoires, ou tragédies historiques), le TNP de Villeurbanne présente à Nanterre l’une de ses pièces les plus démesurées. C’est aussi l’une des œuvres les moins jouées et les plus mystérieuses. Et l’une des plus évidemment politiques. On a parfois accusé l’auteur de sentiments fascistes, tant son personnage est cynique et dédaigneux de la démocratie. En fait, Shakespeare, s’appuyant comme toujours sur des écrits existants et écrivant vite ensuite, s’est inspiré d’un récit de Plutarque. Le général romain Marcius triomphe à Corioles, d’où le surnom de Coriolan. Revenu à Rome, il attend du Sénat le titre de consul et tous les honneurs. Il est si arrogant qu’en guise de récompense, il est chassé de la ville. En conséquence, il prend les armes contre son pays. Mais rien ne se passe comme prévu.

Christian Schiaretti, qui réalise là l’un de ses plus beaux spectacles à partir de la traduction de Jean-Michel Déprats, a évité le style péplum et placé l’action dans le temps de l’écriture, au début du XVIIe siècle. Pas de toges mais des pourpoints et des robes longues. Quand sonnent les noms romains des personnages, le spectateur éprouve un étrange décalage mais, comme le cadre est dépouillé (rien que le mur de scène, couleur nuit), la soirée acquiert une force intemporelle et agit comme une œuvre de musée qui se mettrait à vivre et à dévoiler ses secrets. Wladimir Yordanoff (Coriolan), Roland Bertin et Hélène Vincent sont les plus en vue de cette énorme troupe qui impose non pas une vérité mais une vision des choses toujours changeante et contradictoire. Une remarque, tout de même : c’est quoi, ce programme donné aux spectateurs où le nom de Schiaretti écrase celui de Shakespeare et où les noms des trente comédiens sont écrits en pattes de mouche ?

Culture
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