Les nouvelles couleurs du PSE

Les socialistes européens ont adopté lundi à Madrid leur Manifeste pour les élections européennes de 2009. On peine à voir quel « nouveau modèle face au libéralisme » pourrait en sortir.

Michel Soudais  • 4 décembre 2008 abonné·es

L’orange a supplanté le rouge pâle. C’est sur un fond de scène à la couleur des démocrates que les socialistes européens sont entrés en campagne, lundi, à Madrid. Leur parti, le Parti des socialistes européens (PSE), y a adopté son « Manifesto » en présence de tous les chefs de gouvernement et de parti de cette famille politique. Du démocrate italien Walter Veltroni à Franz Müntefering, nouveau président d’un SPD qui préfère s’allier avec la CDU plutôt qu’avec Die Linke, en passant par José Luis Zapatero, tous étaient là pour approuver ce texte qui définit les grands axes du programme électoral que les candidats des partis membres du PSE défendront dans chaque pays aux élections européennes de juin 2009.
Sa rédaction est le fruit d’une longue consultation qui, un an durant, a fait appel aux militants (quand ils en étaient informés), aux syndicats et aux think tanks , le contenu final ayant été mis au point par les responsables des partis socialistes, sociaux-démocrates ou « démocrates progressistes » qui composent le PSE, et âprement négocié entre eux. L’enjeu était de définir comment le PSE, qui compte 216 députés au Parlement européen, compte améliorer l’Europe.

Illustration - Les nouvelles couleurs du PSE


Martine Aubry, José-Luis Zapatero et Nyrup Rasmussen à Madrid, le 1er décembre.
Marcou/AFP

Par ce programme commun, intitulé « Les citoyens d’abord : une nouvelle direction pour l’Europe » , le PSE affirme s’engager à « créer une société plus juste et plus sûre, capable d’affronter les défis auxquels nous sommes tous confrontés en mettant les citoyens au centre de son action ». À le suivre, les électeurs auront à choisir entre deux alternatives. Soit « une Europe progressiste où les citoyens, les États membres et les institutions travaillent ensemble pour répondre aux préoccupations des citoyens » , soit « une Europe de droite, conservatrice, où l’avenir de nos pays et de nos concitoyens est laissé entre les mains du marché ».
On souscrirait à l’existence de ce clivage si le PSE avait décidé, dans la foulée de ­l’adoption de son Manifeste, de présenter un candidat à la présidence de la Commission européenne, qui doit être renouvelée au lendemain des élections. Non seulement il n’en est rien, mais trois chefs de gouvernement rattachés au PSE, l’Espagnol José-Luis Zapatero, le Portugais José Socrates et le Britannique Gordon Brown, se sont déjà prononcés en faveur d’une reconduction de José Manuel Barroso, pourtant membre du Parti populaire européen (PPE), la formation européenne qui cartellise les principaux partis conservateurs et libéraux de l’Union européenne comme l’UMP française.
Des contradictions comme celle-là, on en relève plusieurs à la lecture du Manifeste. Comment le PSE peut-il clamer « people first » en titre de la version originale (en anglais) du texte ( « les citoyens d’abord » dans sa traduction française) et ne rien dire du traité de Lisbonne, dont on sait qu’il ne voulait surtout pas qu’il puisse être soumis à ratification populaire, ni du « non » irlandais ? On y cherche d’ailleurs en vain des propositions susceptibles d’améliorer le fonctionnement démocratique de l’Union européenne.

À croire Martine Aubry, la nouvelle première secrétaire du PS, qui avait fait le voyage de Madrid, le Manifeste dessine « un nouveau modèle face au libéralisme » économique. De fait, ce programme suggère d’édicter une nouvelle réglementation pour les marchés financiers qui n’oublie pas les fonds spéculatifs et de capital d’investissement. Il veut aussi faire adopter un pacte européen sur les salaires afin de garantir des salaires minimaux décents dans tous les États membres. Mais la 62e des 71 propositions qu’il énonce fait état de la volonté du PSE de continuer à « construire un partenariat transatlantique fort avec les nouveaux dirigeants démocrates aux États-Unis ». De quoi s’agit-il ? Rien de moins que construire un grand marché transatlantique sans barrière douanière entre les deux continents. Ce projet, esquissé en 1995 dans le dos des citoyens et approuvé depuis à plusieurs reprises par les eurodéputés, qu’ils soient du PPE ou du PSE, constitue la base d’un partenariat politique approfondi qui, comme pour la construction européenne, doit commencer par l’économie.
L’Otan constitue bien évidemment un des éléments de ce partenariat. « La nouvelle initiative européenne de défense doit être développée en coordination avec l’Otan » , lit-on dans le Manifeste. Initialement, le PSE demandait que la politique de défense européenne soit « harmonisée » avec celle de l’Otan. La « coordination » est une formulation de compromis, obtenue in extremis par les socialistes français, qui n’auraient certainement pas renversé la table pour cela.
À peine élue à la tête du PS, le 25 novembre, Martine Aubry annonçait la couleur, devant la presse : « L’Europe est un projet pour la gauche en soi, même si nous voulons qu’elle bouge et devienne une Europe politique, une Europe sociale. » Il n’est pas sûr que les électeurs se satisfassent longtemps d’une gauche qui, sur un sujet aussi déterminant que l’Europe, ne se distingue de la droite que par ses… intentions.

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