Libres et égaux ?

À l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme, plusieurs reportages remarquables.

Jean-Claude Renard  • 4 décembre 2008 abonné·es

Le 10 décembre 1948, la communauté internationale adoptait la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il ­s’agit du texte le plus traduit au monde. Qui représente aujourd’hui encore la base la plus importante pour la protection des droits de l’homme dans le monde, un principe éthique fondamental et simple qui se résume en quelques mots : tous les êtres humains sont égaux et ont le droit de vivre dans la dignité et la sécurité.
Voilà pour les intentions, pour les mots. Sur le terrain, ça ne rigole guère, c’est autre chose. Un terrain, ici et là, souvent occupé par de nombreux droits ignorés, bafoués : discriminations, disparitions, tortures, emprisonnements politiques… À l’occasion de l’anniversaire de la Déclaration, Arte propose une série de reportages, de la Somalie à la Russie, de l’enclave de Melilla à la Birmanie.

Une programmation qui s’ouvre sur la République dominicaine, où les immigrés débarqués d’Haïti sont réduits en esclavage dans les plantations de canne à sucre. Dans un autre registre (quoique), la Russie se voit ici dénoncée sur la liberté de la presse, avec des conditions de travail de plus en plus déplorables pour les journalistes. Une presse muselée, censurée. « Dès que l’on sent un peu de pression de la part du gouvernement, il y a comme un réflexe pavlovien. On entre dans l’autocensure. Parce qu’on ne sait jamais… Parce que le pouvoir craint les opinions différentes sur les grandes chaînes » , observe un ­journaliste sur place. Toujours côté droits de l’homme, en Birmanie, les activistes politiques, dont beaucoup de moines en robe safran, sont condamnés à la clandestinité ; au Maroc, les conditions de vie désastreuses des migrants franchissant le haut mur de Melilla remplissent l’ordinaire, tandis qu’au Bangladesh, sous l’effet du réchauffement climatique, les inondations provoquent un exode rural massif…

Autres frontières, autre décor. En Somalie, un ancien trafiquant ­d’armes s’est mué en passeur ­d’êtres humains. Il mène ses candidats à l’exil pour le Yémen dans la traversée du golfe ­d’Aden sur de frêles embarcations. Commerce macabre gavé de luttes, de meurtres, de chavirements mortels. Au-delà de ces tragédies géographiques, le réalisateur Gwenlaouen Le Gouil brosse le portrait du régime somalien (« au péril de sa vie », comme on dit, mais sans jeu de mots puisque le réalisateur a été kidnappé quelques jours).
Dans ce florilège de reportages à cru, la virée annuelle à l’extrême nord du Bénin d’une équipe médicale française, sous l’égide de l’association Interplast, sonne comme un léger signal d’espoir, ou plutôt un volet de respiration. Une goutte d’eau dans le marasme ambiant, auprès d’un quatuor soignant consultant à l’ombre des manguiers, réparant difformités physiques et tumeurs dans les ­villages du désert saharien. Une touche heureuse en somme. Il n’empêche, d’un reportage à l’autre, ce 60e anniversaire de la déclaration des droits de l’homme vire à l’éloge funèbre. Façon soldat inconnu.

Médias
Temps de lecture : 3 minutes