L’utopie comme dessein
« Mia et le migou », une fable d’animation écolo et poétique de Jacques-Rémy Girerd.
dans l’hebdo N° 1030 Acheter ce numéro
L’esprit de la forêt est une figure chère au cinéma d’animation. Sa représentation la plus délicate se trouve peut-être chez le Canadien Frédéric Back dans L’homme qui plantait des arbres (1987), et la plus époustouflante chez le Japonais Hayao Miyazaki dans Nausicaä (1984) ou dans Princesse Mononoké (2000). Avec Mia et le Migou, Jacques-Rémy Girerd, père de la Prophétie des grenouilles , déjà très écolo, poétique et rigolo, donne une autre tournure à cette allégorie.
Dans ce nouveau long-métrage du studio Folimage, qu’il a fondé, l’esprit de la forêt est figuré par un arbre à l’envers qui tend ses racines vers le ciel et son ramage vers le centre de la terre. Les unes attirant comme une pluie de lucioles tandis que l’autre aménage une salle souterraine végétalisée. Autre trouvaille du créateur graphique Benoît Chieux dans ce film : le migou. Ou plutôt les migous, car ce gardien de la forêt, sorte de Barbapapa de boue modulable, a le don d’ubiquité. D’humeur querelleuse en bande, il peut unir ses forces pour tirer magie et poésie de son regard incandescent
Alors que le graphiste Iouri Tcherenkov nourrissait la Prophétie des grenouilles d’un dessin colorié, naïf et pastel, Benoît Chieux emprunte plutôt à la peinture : les décors renverraient à Cézanne ou à Dufy ; les détails, comme la chevelure de Mia, ondulent de traits de pinceau. Les personnages, eux, tirent vers un réalisme plus contemporain, façon manga revisité par les bédéistes Dupuy et Berberian. Girerd a exploité sa carte favorite : le travail sur le texte et les voix, qui précède l’ajustement avec les images. Réunissant, entre autres, Dany Boon, Yolande Moreau, Jean-Pierre Coffe et Miou-Miou, il mêle accents, origines et milieux (ch’timi, banlieue, belge, mexicain, ouvrier, richard, citadin, rural…) en un bel effort cosmopolite en direction d’une planète sans frontières.
Dans un pays qui pourrait se situer en Amérique latine, deux enfants que tout oppose se rencontrent autour du même objectif : assurer la survie de la nature contre un projet dément de chaîne hôtelière. Et, ce faisant, prendre la relève de leurs pères ou réparer leurs bêtises. Mia, autre allégorie, ou utopie.