Que sais-je ?

Dans le quartier des Pyramides à Évry, un Réseau d’échanges réciproques de savoirs aide les participants à partager leurs connaissances et à retrouver un emploi. **Reportage.**

Jean-Baptiste Quiot  • 24 décembre 2008 abonné·es

Le quartier des Pyramides à Évry (Essonne) a peu à voir avec les tombeaux des anciens rois d’Égypte. Et cela malgré l’architecture des immeubles et une certaine ouverture vers le ciel. Cependant, on y ressent comme quelque chose du désert. Dans le froid, quelques enfants jouent devant la devanture fermée du GainsBar et celles, tout aussi closes, des anciens commerces de proximité. Sur un mur, un tag réalisé au pochoir représente un Malcolm X solitaire. Le quartier est le vestige d’un projet pharaonique des années 1970 : la construction rapide des « nouvelles villes ». Malgré le succès du début, ces villes ont été peu à peu désertées. La cité des Pyramides n’est rien d’autre que l’ancien « Évry I ».

L’antenne que le Réseau d’échanges réciproques de savoirs (Rers) d’Évry tient aux Pyramides n’est pourtant pas un mirage. Les échanges de savoirs proposés n’ont rien à voir avec la charité, bien qu’ils soient gratuits. Encore moins avec le commerce, bien qu’ils s’apparentent à des transactions. « Ce sont des échanges non monétaires. Nous sommes dans des rapports actifs de don et de contre-don » , explique Christian Dron, le coordinateur du réseau d’Évry.
Lancés à Orly entre 1971 et 1976 par Claire Héber-Suffrin, les Réseaux d’échanges de savoirs se sont rapidement développés sur tout le territoire français. Dès 1984, le réseau d’Évry se constitue en « association pour le développement des réseaux de formation réciproques et de création collective ». Plus de 700 réseaux existent désormais en France et à travers le monde. « Les Rers fonctionnent en réciprocité ouverte. C’est-à-dire qu’il est possible de recevoir un savoir de la part d’une personne qui n’est pas celle à qui on donne soi-même un savoir » , explique France, une des animatrices de l’antenne des Pyramides. « Le Réseau a fait le choix de se scinder en cinq ­antennes sur les différents quartiers de la communauté d’agglomération » , précise Christian Dron.

Mais l’antenne des Pyramides a une vocation spécifique. « Après un accident de travail, j’ai perdu mon boulot. Aujourd’hui, je cherche un emploi. Je voudrais me spécialiser dans la comptabilité. En échange de ce savoir, je suis prêt à donner des cours d’anglais » , explique Raja, qui participe aujourd’hui au dispositif personnalisé de recherche de l’emploi, mis en place par le Rers d’Évry. « L’association est experte en redynamisation et recherche de savoirs. L’antenne situe son action à la genèse de la session du retour à l’emploi des personnes. On passe quatre jours avec elles pour prendre le temps ­d’évaluer leurs savoirs » , explique Christian Dron. « Cet atelier m’a redonné confiance en moi , assure Bernard, originaire du Congo. Nous possédons tous des capacités qu’on ignore. Des savoirs dont nous ne savons pas qu’ils sont des savoirs. » C’est là qu’intervient le rôle du médiateur. « L’échange des savoirs est une relation à trois. C’est le médiateur qui met les deux personnes en relation et qui formalise l’échange. Il aide également à repérer les savoirs cachés et les besoins réels » , explique Nicole, l’une des animatrices.
L’usine où elle travaillait ayant fermé, Cécile est, elle aussi, en quête d’un emploi. Elle est prête à donner des cours de broderie en échange d’une remise à niveau en français. « Il n’y a pas de hiérarchie entre les rôles ni entre les savoirs , poursuit Christian Dron. Un échange n’est pas supérieur à un autre. Chacun est tantôt l’enseignant, tantôt l’enseigné, tantôt le médiateur. »

Autour d’une table, les participants jouent à « SDF », une sorte de jeu de l’oie. « On y apprend à jongler avec les différents organismes et institutions. Le but du jeu est d’obtenir un CDI » , explique Bernadette. Fatou a d’ailleurs retrouvé un travail grâce à l’association : « Aujourd’hui, je tiens des permanences dans l’association. C’est mon tour d’aider les personnes. Je donne aussi des cours de français. En échange, j’apprends la biologie avec un médecin à la retraite. » Quel est le plus grand bonheur des permanents du réseau ? Pour Christian Dron, c’est justement de « parvenir à mettre les gens en réseau entre eux, sans que les différences sociales ou culturelles fassent obstacle » .

Société
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