Reprise et surprise
En solo, en trio ou en orchestre, plusieurs occasions de (re)découvrir Andy Emler.
dans l’hebdo N° 1031 Acheter ce numéro
Andy Emler est sans doute un des artistes les plus représentatifs de la génération des musiciens de jazz arrivée à maturité dans les années 1980. Sa culture musicale n’est pas réduite au jazz, mais s’étend de la musique classique européenne au rock, au punk et aux sons extra-occidentaux. Andy Emler a découvert le jazz lors de son passage au Conservatoire national supérieur de Paris (où il a obtenu un prix de contrepoint), grâce à la rencontre avec des condisciples le pratiquant déjà, alors que lui jouait plutôt dans des orchestres de rock. L’apprentissage informel du jazz moderne s’est donc greffé sur une solide formation au piano et à la composition, qui l’aidera à mettre au point un style très personnel lorsqu’il décidera de se consacrer au jazz. Dès la fin des années 1980, il accompagne des improvisateurs réputés et ne tarde pas à organiser des formations dont l’aboutissement sera le MégaOctet des années 2000.
Rassemblant huit remarquables solistes, ce petit orchestre sonne comme un grand. Mais les qualités de compositeur et d’orchestrateur d’Andy Emler ne se limitent pas à cela. Il organise ses pièces autour de modules répétitifs, qu’il enchaîne et développe de manière à créer un climat d’audition où la mémoire de ce qui a été repris est sans cesse confrontée à ce qui est en train de changer. L’énoncé par son piano, dans une symbiose parfaite avec la basse (Claude Tchamitchian) et la batterie (Éric Echampard), des phrases répétées, sur lesquelles se placent d’autres boucles jouées par les instrumentistes, ouvre des espaces de liberté où s’engouffrent, notamment, le saxophoniste Laurent Dehors et le trompettiste-vocaliste Médéric Collignon. Lorsque le piano vient au premier plan, il laisse percer des traces de romantisme, mais retrouve une formule similaire dans laquelle la main gauche coule des fondations mouvantes, cependant que la droite peut inventer des lignes inattendues. Ainsi, de la reprise surgit toujours la surprise.