Godard en morceaux
Le cinéma, l’art, le monde… Un brin de conversation avec Jean-Luc Godard
dans l’hebdo N° 1036 Acheter ce numéro
À Noël, dans une liste de cadeaux à offrir à son pire ennemi, le Nouvel Observateur conseillait Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard. Un film sur et avec le cinéaste, réalisé par Alain Fleischer en 2006, avec les étudiants du Fresnoy, à l’occasion d’un projet d’exposition à Beaubourg. Pourquoi à son pire ennemi ? Parce qu’il est de bon ton, dans certains milieux branchés, de tordre le nez à l’évocation de Godard. Quand, dans d’autres, ce film déclenche des jalousies.
Car le cinéaste choisit lui-même ses interlocuteurs. Ici, Jean Narboni, Dominique Païni, André S. Labarthe, Jean-Marie Straub, Danièle Huillet et Christophe Kantcheff de Politis , qui font donc figure de « privilégiés ». À moindre mesure cependant, car Morceaux de conversations …, assez bavard et formellement peu inventif, tire davantage vers le cours que vers l’échange.
Les crins en pétard, le T-shirt informe et son légendaire cheveu gamin sur la langue, Godard y montre pourtant qu’il a (encore) des choses (passionnantes) à dire sur le cinéma. « Nous voulions filmer des garçons et des filles dans le monde réel qui, en voyant le film, sont étonnés d’être eux-mêmes et au monde… », résume-t-il en évoquant la Nouvelle Vague. Pas toujours percutant quand il parle d’art contemporain, estimant que « les dispositifs sont relativement gratuits » face à un étudiant qui entend « penser l’objet dans l’espace ». Mais bien plus sur le thème « un gars et une fille n’aimant pas les mêmes films finiront par divorcer » . Et encore davantage à propos de Notre Musique : « Champ-contrechamp… le peuple juif rejoint la fiction, le peuple palestinien, le documentaire »…
Deux éléments intriguent : l’absence de réflexion de ce cinéaste si soucieux de l’image politique et de la politique de l’image sur son image à lui, pourtant un des contrechamps du film. Et le fait qu’il ait renié ce film par la suite.