La plénitude et la simplicité
Une rétrospective Sabine Weiss livre
la tonalité et le parcours d’une artiste gouvernée par le sens de l’anecdote.
dans l’hebdo N° 1034 Acheter ce numéro
Voilà d’abord une femme debout dans un couloir de métro. La tête enfoncée contre l’angle droit d’un mur aux carreaux blancs. Coiffée d’un fichu, vêtue d’un manteau sombre. Au bout de son bras pend un sac de voyage d’un mauvais cuir. Elle est chaussée de pantoufles. Les chevilles sont gonflées. Sur sa gauche est placardée une publicité pour Holiday on ice au Palais des sports, avec son « patineur du siècle, à partir du 22 février 1979 » . Le graphisme d’une réclame s’arrange ici des joints d’un carrelage, une femme triste des angles d’un couloir.
Pour Sabine Weiss, la photographie se lie « à l’instant, cet instant fugitif et merveilleux qu’il faut saisir tout en le composant, ces instants dans le temps et dans l’espace, où la plénitude et la simplicité forment un tout ». Plénitude et simplicité, c’est exactement ça. Exactement ce que démontre cette rétrospective importante consacrée à la photographe, en cent trente images, certaines connues, d’autres inédites, le long d’un demi-siècle de clichés, d’un Paris populaire baignant dans l’ambiance particulière de l’après-guerre à aujourd’hui. Où triomphe le noir et blanc.
Dans une série de nocturnes trempés de brume, se détachent l’ombre d’un uniforme rehaussé d’un képi, un passant furtif, deux silhouettes s’échappant d’une bouche de métro. Ailleurs, un clodo s’est endormi sur un banc, le litron à côté, un autre sommeille devant la vitrine du Printemps alignant ses chapeaux. Se suivent des jours de pluie, une farandole de baisers, des mômes chahuteurs, des solitaires à la marge, des exclus, des vieillards esseulés.
Piquée d’âpreté, derrière ce qu’on appelle communément du « réalisme poétique », l’image reste du côté de la vie. Mais surtout, qu’il s’agisse d’un village de pêcheurs au Portugal, du métro new-yorkais, d’un pèlerinage gitan, il y a toujours chez Weiss cette capacité à souligner l’anecdote. Affaire de parti pris pour qui vise à *« apprendre à voir les détails les plus simples : le menu détail qui exprime l’essentiel, le petit geste qui explique le mouvement, l’infiniment petit qui raconte le grand ».
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