Le mauvais plan de la maison à quinze euros
Les demeures sociales promises par Christine Boutin sont loin d’être un succès. Et leur coût réel est bien supérieur à celui annoncé. Explications.
dans l’hebdo N° 1035 Acheter ce numéro
Annoncées au mois de janvier 2008, promises en avril, relancées en septembre, les « maisons à 15 euros » ont fait une réapparition surprise le 22 décembre à Ambérieux-en-Bugey, dans l’Ain. La ministre du Logement, Christine Boutin, y a inauguré les trois premières alors que plusieurs milliers avaient été promises il y a plus d’un an.
Une rapide enquête a permis de découvrir que les maisons dont les clés ont été remises devant les caméras viennent d’un programme immobilier qui n’a rien à voir avec celui annoncé par la ministre. Trois constructions qui ne trouvaient pas preneurs ont été recyclées en opération de communication. Et la promesse de vendre 5 000 de ces maisons à 15 euros par jour d’ici avril prochain est restée à l’état de projet, tout comme, on s’en souvient, les « maisons Borloo à 100 000 euros » (sans le terrain, qui devait être offert par les communes…) supposées être mises en place en 2005.
À l’époque ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo avait annoncé à plusieurs reprises que 40 000 de ces maisons seraient construites en trois ans. Il en existe 684, et Christine Boutin a vite remplacé ce programme par le sien, avec des maisons sociales dont le prix a fortement augmenté : elles coûtent désormais entre 160 000 et 185 000 euros, avec un terrain dont le prix est réévalué tous les ans. Et le coût annoncé ne comprend pas les finitions intérieures, les frais de notaire et l’hypothèque prise sur la construction.
Christine Boutin inaugure une « maison à 15 euros » à Ambérieux-en-Buget (Ain). DUFOUR/AFP
Ce prix de 185 000 euros figure dans un coin de la brochure destinée à vendre l’idée, en prenant l’exemple d’une famille de quatre personnes, mais une fois déduites les aides au logement (APL), dont la ministre oublie de préciser qu’elles diminuent à mesure que les enfants grandissent, et une fois incluse la participation de la commune.
Inclure l’APL permet d’occulter une autre réalité : elle amènera progressivement à payer la maison 750 euros par mois, soit 25 euros par jour. Un smicard devra donc verser plus de la moitié de son salaire (1 037 euros net par mois). La maison et le terrain devront être remboursés, la brochure l’annonce très discrètement, sur une période de 28 ou de 40 ans, longtemps après le départ des enfants qui ouvrent le droit à des aides. Ce qui signifie aussi que la « mobilité » tant de fois présentée comme nécessaire par le gouvernement paraît singulièrement compromise.
Ces résidences ne sont chauffées que par de l’électricité, ce qui promet de douloureuses surprises à leurs occupants, car elles sont construites selon d’anciennes normes d’isolation, n’appliquant pas les mesures du Grenelle de l’environnement, en dépit des affirmations selon lesquelles elles seront énergiquement plus efficaces « de 10 % par rapport aux normes » (sans préciser lesquelles). Christine Boutin n’a pas songé à faire équiper ces constructions de chauffe-eau solaires, qui permettraient de réduire la facture d’eau chaude sanitaire et de mettre en place, avec deux mètres carrés supplémentaires de panneaux, un préchauffage de ces maisons dont la surface moyenne est de 85 mètres carrés. Conclusion : pour feindre d’atteindre son objectif, le ministère du Logement se fait entremetteur pour des vendeurs de maisons sur catalogue.
Les normes d’accession aux prêts et aux terrains, différentes en région parisienne et en zone rurale, impliquent aussi que les maisons soient construites loin de toute agglomération et que les occupants de ces maisons possèdent une voiture, voire deux, pour aller travailler. Pas de quoi réduire la facture énergétique globale ni celle de la famille. Mais, promesse aussi ultime que révélatrice : en cas d’ « accidents de la vie », la maison sera rachetée par le 1 % logement, et la famille sera relogée ailleurs par ses soins.