Le premier geste d’Obama

Proche-Orient Le Président a choisi de marquer son engagement dès les premières heures de son mandat. Correspondance à New York, Vanessa Gondouin-Haustein.

Vanessa Gondouin-Haustein.  • 29 janvier 2009 abonné·es

La surprise a été générale dans les pays du monde arabe. Le nouveau président des États-Unis n’était élu que depuis quelques heures quand il a réservé son premier appel téléphonique au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. La chaîne arabe Al-Jazira, qui avait souligné la présence d’un « lobby juif » dans la nouvelle administration, avec la présence notamment des deux plus proches conseillers d’Obama, son directeur de campagne, David Axelrod, et le secrétaire général de la Maison Blanche, Rahm Emanuel, a-t-elle été trop vite en besogne ? Ou a-t-elle tiré de ce « casting » de mauvaises conclusions ? « Emanuel est connu pour être une forte personnalité, autoritaire, disciplinée, efficace, et pour sa propension à dire non à ses propres amis » , commente le journal libanais An Nahar. « Ce choix confirme encore une fois l’intelligence, le flair politique et le réalisme du nouveau président américain […]. Les liens d’Emanuel avec Israël seront utiles quand Obama demandera à Tel-Aviv de prendre des décisions difficiles, notamment de cesser sa colonisation en Cisjordanie » , estime le même journal.
De leur côté, les Israéliens froncent les sourcils et s’inquiètent de ce qui pourrait annoncer une rupture dans la politique de Washington. En prenant à bras-le-corps, dès les premières heures de son mandat, l’épineux dossier du Proche-Orient, Barack Obama a-t-il seulement tenu compte de l’émotion suscitée par les bombardements sur Gaza, ou veut-il réellement avancer là où ses prédécesseurs ont échoué ? On se souvient que Bill Clinton n’avait repris le dossier des accords d’Oslo qu’à la fin de son second mandat. En juillet 2000, pressé par le temps, il avait convoqué dans les pires conditions le huis clos de Camp David. Il avait ensuite fait porter le poids de l’échec de cette négociation à Yasser Arafat. Quant à George W. Bush, il avait attendu novembre 2007 pour tenter de relancer le processus de paix avec la conférence d’Annapolis.
D’emblée, Barack Obama a annoncé que « la politique de [son] administration consistera à rechercher activement et énergiquement une paix durable entre Israël et les Palestiniens, ainsi qu’entre Israël et ses voisins arabes. » Il a surtout choisi de laisser de côté l’intelligentsia pro-israélienne qui domine Washington depuis vingt ans. Denis Ross, 60 ans, émissaire au Proche-Orient dans l’administration Bush père, puis dans celle de Clinton, était le candidat préféré des Israéliens, tout comme Daniel Kurtzer, 60 ans, ancien ambassadeur américain en Israël. Les deux hommes étaient pressentis pour le poste d’émissaire. Obama leur a préféré George Mitchell, un homme d’expérience, fils d’un Irlandais et d’une Libanaise, et auteur en 2000 d’un rapport remarqué sur les causes de la seconde Intifada, dans lequel il préconisait le gel de la colonisation.
« Cela montre un engagement sérieux de la nouvelle administration pour résoudre le conflit arabo-israélien » , confie au journal New York Times Aaron Miller, ancien haut responsable de la diplomatie américaine au Proche-Orient. « Mitchell est âgé. Mais Obama n’a pas voulu faire du neuf avec du vieux. Il veut aller vite sur le dossier et montrer sa volonté de trouver une issue sur un conflit qui dure depuis plus de soixante ans » , explique Rami George Khouri, palestinien et professeur à l’École politique Kennedy de Boston, qui note qu’Obama pourrait « effectuer rapidement un déplacement en Cisjordanie, puis en Israël » . Certains pensent que le nouveau président pourrait se rendre devant le Parlement égyptien pour prononcer un discours sur l’engagement des États-Unis dans le processus de paix. S’il veut réussir là où ses prédécesseurs ont échoué, Barack Obama devra avant tout rétablir la confiance des pays du monde arabe et leur prouver que Washington peut devenir un partenaire équitable. George Mitchell, son émissaire spécial s’est envolé dès lundi pour une visite de plusieurs jours dans la région.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »
Vidéo 17 janvier 2025

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »

Alors que Donald Trump deviendra le 47e président des Etats-Unis le 20 janvier, Bertrand Badie, politiste spécialiste des relations internationales, est l’invité de « La Midinale » pour nous parler des ruptures et des continuités inquiétantes que cela pourrait impliquer pour le monde.
Par Pablo Pillaud-Vivien
Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social
Récit 17 janvier 2025 abonné·es

Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social

Donald Trump a promis de couper dans les dépenses publiques, voire de supprimer certains ministères. Les conséquences se feront surtout ressentir chez les plus précaires.
Par Edward Maille
Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse
Analyse 17 janvier 2025

Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse

Les règles économiques et commerciales de la mondialisation ayant dominé les 50 dernières années ont déjà été fortement mises en cause. Mais l’investiture de Donald Trump va marquer une nouvelle étape. Les échanges économiques s’annoncent chaotiques, agressifs et l’objet ultime de la politique.
Par Louis Mollier-Sabet
À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire
Reportage 15 janvier 2025 abonné·es

À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire

Que reste-t-il quand un missile fauche 59 personnes d’un petit village réunies pour l’enterrement d’un soldat ? À Hroza, dans l’est de l’Ukraine, les survivants et les proches des victimes tentent de gérer le traumatisme du 5 octobre 2023.
Par Pauline Migevant