Les bases d’une autre Europe
Rien, absolument rien ne peut justifier que se dispersent, aux élections européennes de juin prochain, les forces qui, au nom d’une autre conception de l’Europe, combattent ensemble depuis longtemps les effets et la logique de la construction européenne actuelle. Toutes et toutes conviennent que le cadre actuel de la construction, proprement irréformable, ne peut plus permettre d’avancée démocratique, écologique ou sociale qui soit significative. Toutes et tous conviennent qu’il faut combiner la lutte sociale résolue contre les effets des politiques officielles en cours et les constructions politiques alternatives, visant à rassembler des majorités capables de changer en profondeur le socle de l’Union européenne. Toutes et toutes ont cherché, depuis des années, à formuler des propositions concrètes, à l’épreuve des grands combats communs. Toutes et toutes peuvent donc se rassembler : différents mais ensemble. Sur quoi de fondamental pourrions-nous ne pas nous entendre en juin prochain, sur le dossier européen ?
La stratégie ? Aucune ambiguïté n’est possible pratiquement. Le Parti socialiste européen a totalement intériorisé le socle qui, d’Amsterdam à Lisbonne, a sanctifié la norme libérale. Les partis socialistes nationaux, à commencer par celui de France, ont approuvé le projet de Traité constitutionnel européen, puis ratifié le traité de Lisbonne qui en reproduisait la logique et les dispositions. Une alliance avec eux à l’échelle européenne est strictement impensable tant qu’ils persistent dans ces choix : inutile, par conséquent, d’agiter les chiffons rouges et de cultiver la méfiance.
La méthode ? Toutes les sensibilités critiques ont fait l’expérience du caractère irréformable du dispositif actuel. Dans le cadre des traités existants, aucune avancée substantielle n’est possible. Toutes et tous conviennent donc qu’il faut abroger tous les traités et leur substituer un autre socle partagé. En outre, toutes et tous ont dénoncé la méthode suivie jusqu’alors, intergouvernementale et technocratique. L’idée d’un processus populaire constituant, pour redéfinir les fondements mêmes de l’Union, est devenue un bien commun. Dans un premier temps, les citoyens, les salariés, la multitude des instances de mobilisation et d’action installées à l’échelle de toute l’Union pourraient être sollicités dans un vaste débat, qui pourrait être organisé par exemple dans le cadre d’États généraux. À l’issue de ces débats, sur la base de projets clairement énoncés, il serait procédé à l’élection, au suffrage universel, de délégués à une nouvelle Assemblée. Celle-ci discuterait et proposerait un nouveau socle pour l’Union. Le projet qui résulterait de ses travaux devrait, pour installer sa légitimité, être soumis à ratification populaire par voie de référendum.
Faut-il aller jusqu’à quitter une Europe dont la France n’a rien de positif à attendre dans sa logique actuelle ? Le débat existe dans la mouvance critique, certains n’hésitant pas à énoncer cette perspective comme la seule réaliste, dès l’instant où l’espoir d’un changement profond est déçu perpétuellement par la réalité des politiques suivies. En fait, si cette question stratégique ne peut être purement et simplement recouverte, elle n’est pas un motif de rupture dans la conjoncture actuelle. Que l’on considère ou non comme réaliste la perspective d’une transformation profonde du cadre européen, la plupart des forces engagées considèrent que la sortie de l’Union n’est pas une question immédiate. S’appuyer sur les luttes sociales et sur l’ampleur de la dynamique critique (celle des Forums Sociaux Européens et des rapprochements esquissés du côté d’une gauche européenne de gauche) est une nécessité à court et à long terme ; conforter la critique de l’existant par l’énoncé fort d’une alternative est une exigence, ne serait-ce que pour conforter les luttes : toutes et toutes s’accordent sur ce point. Toutes et toutes considèrent par ailleurs, quelles que soient les visions globales d’avenir, que la France devrait en tout état de cause menacer d’ouvrir une crise dans le fonctionnement des institutions, si la lutte contre chômage et le respect des droits fondamentaux ne sont pas des priorités concrètes de l’Union. Elle doit annoncer qu’elle n’appliquerait pas des dispositions qui contreviendraient à ces objectifs et qui limiteraient l’action nationale menée dans cette direction.
Stratégie et méthode partagées… Quant aux alternatives concrètes suggérées, elles ont fait depuis quatre ans l’objet de multiples concertations . Au final, sans que s’annulent toutes les différences, se dessine la trame de propositions suffisamment cohérentes pour fusionner deux exigences tout aussi nécessaires l’une que l’autre : la vertu réaliste du programme et le souffle alternatif du projet. Sur quoi sommes-nous d’accord sur le fond ?
I. Quel processus pour changer la construction européenne ?
Quelle que soit la forme du socle adopté (traités et/ou Constitution), on peut convenir du contenu nécessaire. Il doit énoncer les valeurs communes, les principes d’action et les droits fondamentaux, la répartition des compétences entre l’Union et les États et fixer un système institutionnel démocratique. En revanche, contrairement au projet de Traité constitutionnel et au traité de Lisbonne, la nouvelle base fondamentale n’a pas à définir les politiques concrètes qui relèveront ultérieurement du débat et du fonctionnement des institutions.
Rompre avec l’existant suppose de renoncer à la fois au primat de la concurrence et au principe de la « bonne gouvernance » technocratique. Une autre Europe devrait faire vivre l’idée qu’il n’est pas aujourd’hui de réalisme possible qui ne se fonde sur la primauté des droits.
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1. Une nouvelle charte des droits fondamentaux devrait expliciter le socle de la construction européenne.**
Cette fois-ci démocratiquement élaborée, elle énoncera les droits civils, politiques, économiques et sociaux, individuels ou collectifs, d’application impérative sur tout le territoire de l’Union. Elle se fondera sur les principes suivants :
1.Le principe de non-régression sociale : aucune décision européenne ne peut remettre en cause les droits sociaux reconnus par une législation nationale.
2.La convergence par le haut des normes permettant un renforcement de protections juridiques accordées aux travailleurs, au lieu de l’alignement sur le plus petit dénominateur commun des législations nationales.
3.L’égalité, la coopération, la solidarité, la définition démocratique des besoins et droits sociaux sont les valeurs supérieures de l’Union qui remplacent la concurrence, le libre-échange et donc, en fait, le profit capitaliste.
2. Subsidiarité et souveraineté populaire
Les dérives technocratiques devraient se conjurer par la mise en place d’un dispositif de décision publique qui cherche à surmonter les déficits démocratiques actuels. Pour combiner la double réalité de l’Union et des États, il convient de s’appuyer sur un double principe :
1.La subsidiarité implique que l’Union ne doit faire que ce que les États ne peuvent faire eux-mêmes. L’Union ne se substitue pas aux États, mais joue d’abord un rôle de coordination, d’impulsion et d’harmonisation pour éviter le jeu désastreux de la concurrence, de l’inégalité et de l’impuissance.
2.La souveraineté populaire suppose qu’en toute circonstance les citoyens interviennent sur les grands choix politiques, économiques et sociaux en élisant leurs et contrôlant leurs représentants ou, de plus en plus, par leur participation directe aux procédures d’évaluation, de délibération et de choix.
3. Sur ces bases, des points d’accord importants sont d’ores et déjà acquis :
1.Il faut rompre avec la logique qui dessaisit les citoyens et les peuples des décisions qui les engagent.
2.L’exercice de la citoyenneté européenne sera élargi. Pour tout ce qui concerne le fonctionnement de l’Union, une citoyenneté de résidence permettra à tous les résidents de l’Union, quelle que soit leur origine et selon des conditions identiques dans tous les États, de bénéficier des mêmes droits civiques que les ressortissants de l’Union.
3.Les pouvoirs du Parlement européen seront renforcés. Les dispositions qui limitent ce pouvoir seront abrogées en matière d’initiative des lois et de budget. Il doit contrôler l’exécutif et la Banque centrale européenne. Sa coopération avec les Parlements nationaux sera développée.
4.Dès l’instant où elle sera fondée sur une pleine souveraineté populaire, la règle européenne aura la légitimité pour être la norme commune de l’Union. En attendant, en cas de désaccord persistant d’un État, seul un referendum dans le pays concerné peut décider de la non-application d’un acte européen.
5.L’accès à l’information et l’exercice du pluralisme seront renforcés. La constitution de citoyens en association et leurs possibilités d’expression seront matériellement encouragées. Tout projet de loi européenne signé par un million de personnes est discuté par le Parlement. S’il ne retient pas le projet, un nombre supérieur (à fixer) peut demander la tenue d’un referendum européen.
6.Le rôle des parlements nationaux sera renforcé par l’application du principe de subsidiarité, la discussion des politiques européennes ainsi que le mandat confié aux représentants de chaque pays de participer à la gestion des affaires publiques de l’Union.
4. Des points de désaccord persistant
Au-delà de ces mesures communes, le débat doit être poursuivi sur les questions institutionnelles. Sans doute convient-il d’écarter les confrontations inutiles ou dangereuses. Par exemple, les différences de conception générale recouvertes par des notions comme « fédéralisme » ou « confédéralisme » peuvent la plupart du temps être dépassées en pratique, dès l’instant où l’on s’accorde sur quelques règles fondamentales comme celle de la subsidiarité et de la souveraineté populaire. En outre, toutes les forces du Non de gauche antilibéral considèrent que la rupture est nécessaire avec le fonctionnement des institutions actuelles de l’Union. Mais il reste des désaccords que seuls un débat prolongé et une délibération démocratique permettront de dépasser ou de trancher. Par exemple, si tout le monde convient à peu près des limites de l’intergouvernementalité (négociation entre les gouvernements pour prendre les décisions européennes majeures), tous n’en tirent pas les mêmes conséquences.
1.Certains considèrent qu’il faut rompre avec la logique actuelle des institutions et démocratiser en profondeur leur fonctionnement, mais estiment que l’existence durable du double registre de l’Union et des États oblige à articuler encore, en les réformant radicalement, la triple institution du Parlement, du Conseil et de la Commission.
2.D’autres considèrent que la rupture démocratique est impossible si l’on ne sort pas complètement du cadre institutionnel actuel. Ils proposent que l’action propre des États et que l’action européenne soit le fait d’un parlement bicaméral (une chambre représentant l’ensemble des citoyens européens, l’autre représentant les États) et d’un gouvernement européen responsable devant lui.
3.D’autres encore considèrent que seuls les États-nations sont aujourd’hui en état de permettre une lutte efficace contre le néolibéralisme, que toute construction européenne doit préserver avant tout ce cadre historique, faute de quoi une sortie de l’Union doit demeurer une hypothèse envisageable, fût-ce en dernier recours.
Ces désaccords ne peuvent être sous-estimés ; leur résolution passera par des débats exigeants et respectueux entre les forces critiques elles-mêmes. Elle passera surtout par un débat citoyen dans toute l’Union, dont les résultats seront sanctionnés par un vote référendaire.
Dans l’immédiat, les parties prenantes du rassemblement conviennent de mettre en avant les principes communs énoncés dans ce document, y compris les ruptures démocratiques dans le fonctionnement des institutions existantes. En l’état, les propositions qui réarticulent le social, le politique et l’économique constituent la base pour un nouveau départ de l’Union. Leur mise en œuvre démocratique pourrait délimiter la première étape du processus constituant. Dans un deuxième temps, serait débattue et décidée l’architecture définitive des institutions de l’Union, sur la double base maintenue de la subsidiarité et de la souveraineté populaire.
II. L’Europe doit répondre à l’urgence sociale
L’Union européenne doit fixer comme première priorité à sa politique la promotion d’un modèle social européen ambitieux. Pour y parvenir, elle doit en même temps : rompre avec la course à la « baisse des coûts salariaux » et à la diminution des dépenses publiques et sociales au nom de la compétitivité (Agenda de Lisbonne, pacte de stabilité) ; reconnaître les services publics comme un secteur spécifique répondant à des besoins fondamentaux ; mobiliser à ces fins tous les instruments financiers et politiques nécessaires.
Nous voulons substituer la satisfaction des besoins sociaux à la logique du profit. Cela commence par la lutte contre le chômage et l’insécurité sociale. Une action concertée à l’échelle européenne permet de s’attaquer à ces fléaux plus efficacement qu’au seul niveau national. Elle suppose de s’appuyer à la fois sur les revendications avancées dans les luttes, sur l’effectivité des droits, sur des politiques publiques ambitieuses des États et de L’Union.
A. Une Union fondée sur des droits effectifs
Une Europe des droits ignorés ou même des droits minimaux n’a pas d’avenir. Des réseaux européens ont entrepris la rédaction des droits qui doivent être reconnus. Il ne suffit pas de les proclamer, ils doivent être effectifs. En règle générale, on doit imposer à l’échelle européenne que leur accès doit être garanti et que leur justiciabilité doit être établie.
1.L’Union doit intégrer toutes les acquis sociaux des conventions internationales existantes en matière sociale.
2.Le droit de grève européen doit être reconnu et la pratique du lock-out interdite.
3.Une loi européenne doit fixer l’objectif d’une baisse généralisée du temps de travail. La cible doit être une Europe des 35 heures, sans baisse de salaire et avec des embauches correspondantes. La mise en œuvre de cette réduction du temps de travail doit impliquer les salariés eux-mêmes, à travers leurs organisations syndicales qui doivent disposer d’un droit de veto en matière de durée et d’organisation du travail. Le projet de la Commission européenne d’une modification de la directive sur le temps de travail, qui permet une flexibilité des horaires de travail allant jusqu’à des semaines de 65 heures et qui a obtenu l’appui décisif du gouvernement français, doit évidemment être refusé (en France, c’est en 1906 que la durée maximale de travail a été fixée à 60 heures ! ).
4.Le refus de l’insécurité sociale doit guider l’action publique européenne. Cela suppose de sanctionner le harcèlement et d’assurer le maintien effectif du contrat de travail en cas de rachat de l’entreprise. Il faut une directive de protection contre les licenciements collectifs, prévoyant le droit de veto suspensif des représentants des salariés et l’obligation de négocier leurs propositions. L’effectivité du droit au travail doit être garantie par l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits. L’Union doit se fixer pour objectif d’aller vers la mise en place concertée d’un statut du salariat assurant une réelle sécurité sociale professionnelle, le développement d’une formation professionnelle accessible à tous et l’affirmation du contrat à durée indéterminé comme cadre référent des contrats de travail.
5.L’Union doit mettre en œuvre la notion « d’unité économique et sociale » pour rendre les entreprises donneuses d’ordre responsables des salariés de leurs entreprises sous-traitantes et garantir les mêmes droits à l’ensemble des salariés.
6.L’Union mettra en œuvre, sous maîtrise publique et sous contrôle des citoyens, des plans de développement des infrastructures européennes et d’activités socialement utiles et respectueuses de l’environnement : réseaux ferroviaires, canaux, « société de l’information », économies d’énergie, développement des énergies renouvelables, etc. Ceci contribuera à la résorption du chômage, tout en favorisant un nouveau type de développement. De tels plans ont déjà été étudiés et chiffrés. Leur financement devrait être assuré par la BEI (Banque européenne d’investissement).
7.Une loi européenne doit rendre obligatoire l’existence d’un salaire minimum dans tous les États membres. Pour tenir compte des différences de niveau économique entre les pays, ce salaire minimum, dans un premier temps, pourrait être calculé en pourcentage du PIB (produit intérieur brut) par habitant. Des normes communes de salaires, de pensions et de revenus doivent également être fixées, tenant compte du degré de développement et des acquis de chaque pays, de manière à résorber les inégalités et à aboutir le plus rapidement possible à l’alignement du pouvoir d’achat des salariés de l’ensemble de l’Union européenne sur les pays où il est le plus élevé. De façon plus générale, il faut promouvoir un nouveau partage des richesses en favorisant la croissance des revenus du travail, dont la part dans la valeur ajoutée a fortement baissé au cours des dernières années au profit des revenus du capital.
8.Le Parlement européen et le Conseil des ministres doivent réaffirmer le principe selon lequel les travailleurs détachés par leur entreprise d’un pays dans un autre doivent bénéficier du droit du travail du pays d’accueil lorsqu’il est plus favorable.
9.L’Union doit faire obligation à tous les États de se doter d’une inspection du travail et d’en fixer les compétences minimales. Si les modalités d’intervention des salariés et de leurs représentants dans les entreprises relèvent de la compétence des États, ces droits doivent être retenus comme droits effectifs et leur contenu précisé au niveau européen.
10.Le droit à la santé doit devenir une réalité effective et l’Union doit garantir l’accès aux soins pour toutes et tous. L’accroissement du nombre de personnes âgées ne doit pas se traduire par un relèvement de l’âge de départ à la retraite, ni par une baisse des pensions. L’Union doit assurer la préservation et l’extension des systèmes de protection sociale reposant sur une logique publique et solidaire, dans leur fonctionnement et leur financement, face aux attaques visant à en faire des produits marchands et individuels.
11.L’égalité entre les femmes et les hommes doit devenir une norme générale dans tous les pays de l’Union et être déclinée en mesures précises concernant : le droit réel à l’emploi ; l’égalité des salaires et des carrières ; le droit à l’avortement, à la contraception et à l’orientation sexuelle de son choix ; le droit au divorce ; la lutte contre les violences ; la lutte contre la traite des êtres humains. Quand des conventions bilatérales entre pays d’accueil et pays d’origine comportent des dispositions discriminatoires pour les femmes immigrées, elles doivent être dénoncées.
12.Toute forme de racisme, de néofascisme et de xénophobie, la discrimination sexiste et l’homophobie doivent être sanctionnées
13.Les droits des migrantes et des migrants non communautaires seront assurés : respect d’un droit d’asile étendu à toutes les formes de persécution, citoyenneté pour tous les résidents, égalité des droits au travail, au logement et aux soins, régularisation des sans-papiers. Au delà, les questions de l’ouverture des frontières et de la liberté de circulation ne font pas accord.
14.Les droits d’intervention des salariés seront confortés et étendus. En particulier, il conviendra de renégocier la directive sur les comités d’entreprise européens dans le sens d’un accroissement de leur pouvoir, ce qui suppose de créer un droit impliquant la présence obligatoire de représentants des salariés dans les conseils d’administration des groupes.
B. Les instruments d’une politique économique volontaire
Une politique européenne combinant nouveau type de développement et réduction du temps de travail, redistribution des richesses et développement des services publics, élévation des niveaux de qualification et des rémunérations est aujourd’hui la seule perspective réaliste. Elle devra disposer des moyens de ses ambitions. Dans un moment où le libéralisme montre ouvertement ses limites, il faut remettre en avant, de façon solennelle, la légitimité de l’action publique face aux désordres de la concurrence libre et non faussée.
1.La puissance publique doit pouvoir se doter des ressources nécessaires à ses missions. Cela suppose l’abandon du pacte de stabilité et des autres dispositions européennes qui limitent la capacité d’action des pouvoirs publics. L’organisation des politiques publiques doit être réformée radicalement et des politiques budgétaires actives doivent être promues. Pour maîtriser les politiques publiques, des outils adaptés devraient être mis en place. Par exemple, il a été envisagé de créer un Conseil des politiques économiques et sociales qui se substituerait à l’actuel Conseil de l’euro et dont l’objectif serait d’assurer la coordination de toutes les politiques économiques, y compris la politique monétaire, sous le contrôle des institutions démocratiques de l’Union.
2.En règle générale, il faut désormais imposer le principe que tous les choix importants de politique économique doivent être débattus par les citoyens et adoptés par les institutions démocratiques. En ce sens, il convient de renforcer le pouvoir du Parlement européen, en concertation permanente avec les Parlements nationaux : c’est à lui qu’incombent le vote des impôts européens, la proposition des dépenses communautaires et le contrôle de la Banque centrale européenne et de tous les organismes à vocation économique et sociale, présents ou à venir. Le recours à la démocratie directe, par exemple celle du référendum d’initiative populaire, doit permettre en outre aux citoyens d’exercer leur droit de proposition ou, en cas de mesures antisociales et anti-écologiques, leur pouvoir de blocage.
3.L’augmentation du budget européen est nécessaire pour répondre aux urgences sociales de l’Union. Cette augmentation (qui peut aller vers les 5 % du PIB européen contre 1,1 % actuellement) ne doit pas venir d’une augmentation de la contribution des États membres qui ont besoin de toutes leurs ressources fiscales. Elle est possible en créant de nouvelles ressources directement au niveau européen : taxation des transactions financières (taxe Tobin) et des mouvements de capitaux, taxation de l’émission de gaz à effet de serre, etc. Elle devrait notamment permettre l’augmentation des « fonds structurels » européens destinés à aider les États membres les plus pauvres à rattraper leur retard.
4.Le statut et les missions de la BCE seront révisés afin que son action ne soit plus dictée par les intérêts des marchés financiers et par l’objectif exclusif de la stabilité des prix, mais par le souci d’assurer un développement permettant la satisfaction des besoins sociaux et le plein emploi tout en respectant les écosystèmes. Son indépendance, comme celle de la Banque de France et des banques centrales nationales, sera remise en cause. Les autorités politiques européennes (Conseil des ministres et Parlement) pourront ainsi utiliser pleinement leurs prérogatives pour, par exemple, définir des politiques monétaire et budgétaire européennes coordonnées et cohérentes au service de l’emploi.
5.Les objectifs de la politique monétaire ne doivent plus se limiter à la lutte contre l’inflation, mais intégrer explicitement les objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Une plus grande place sera donnée aux instruments tels que les réserves obligatoires pour le contrôle de la liquidité et donc du pouvoir de création monétaire des banques. Chaque groupe bancaire sera soumis à des règles strictes, de manière à limiter son pouvoir de spéculation et à l’inciter à effectuer des financements conformes aux objectifs économiques, sociaux et environnementaux de l’UE. Les crédits bancaires, plus faciles à contrôler, seront privilégiés par rapport aux financements de marché (par les titres). La BCE sera autorisée à financer une partie des déficits publics, en particulier les dépenses génératrices de développement (par exemple éducation, recherche et développement, ferroutage…).
6.La crise financière actuelle montre l’absurdité des mesures dérégulatrices qui ont dominé sans partage depuis quelques décennies. Il s’agit sans tarder de mettre fin à la déréglementation générale qui a exacerbé la mobilité des capitaux, en organisant une régulation et un contrôle strict des mouvements de capitaux (y compris des investissements directs à l’étranger), des institutions financières et des marchés financiers, et en renforçant les prérogatives des instances publiques de supervision. Cela suppose de modifier les règles des traités interdisant toute entrave à la libre circulation des capitaux. La BCE devra agir préventivement pour casser les bulles spéculatives sur les marchés financier et immobilier, et non pas se contenter d’intervenir a posteriori pour venir en aide aux établissements en difficulté. De même, la stabilité du taux de change de l’euro doit faire partie des objectifs de la BCE. La politique de change est une responsabilité partagée de la BCE et des gouvernements de la zone euro. La BCE doit intervenir d’une manière concertée avec les banques centrales étrangères (en particulier la Fed américaine). Cette nouvelle politique doit aller de pair avec une réforme du système monétaire international destinée à encadrer les marchés et la finance internationale. Un « Bretton Woods » d’un nouveau type doit être défini, fondé sur des principes de contrôle des capitaux, de stabilité des taux de change et de coopération Nord-Sud.
7.L’action publique sera renforcée par la mise en place d’un pôle bancaire public européen [ou] L’ensemble du secteur bancaire et financier doit être placé sous contrôle public par le biais d’une « nationalisation », c’est-à-dire d’une socialisation à l’échelle européenne.
8.La construction du marché unique s’est accompagnée dans tous les pays de la réduction des impôts sur les placements financiers et sur les profits des entreprises. La fiscalité doit être réorientée, en articulant les efforts nationaux et européens, pour rééquilibrer les fiscalités du travail et celles du capital : fixation d’un taux minimal et harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, taxation des revenus des capitaux, taxes sur l’énergie et l’émission de CO2. Les paradis fiscaux doivent être supprimés par la levée du secret bancaire et la taxation des flux financiers qui y transitent. Face à la crise actuelle, peuvent être envisagés un prélèvement exceptionnel sur les grandes fortunes ainsi qu’un plafonnement drastique des revenus financiers distribués avec une confiscation totale de ceux-ci au-delà d’un certain plafond ou d’un taux de croissance au plus égal au niveau de la croissance économique.
9.Les choix sociaux d’une nouvelle construction européenne nécessitent la mise en place d’un contrôle des mouvements de capitaux.
III – L’Europe doit défendre et étendre les services publics
L’ouverture à la concurrence, conduite au niveau européen, est l’un des modes majeurs d’attaque contre les services publics. Elle se combine avec les privatisations décidées nationalement. Avec les services publics, nous tenons une alternative concrète, expérimentée. Deux conceptions de la société s’affrontent. À la logique du profit nous opposons celle des besoins. À la marchandisation du monde nous opposons les biens communs. À la concurrence généralisée nous opposons la solidarité. À la privatisation des secteurs clé de l’économie nous opposons leur appropriation sociale. Au creusement des inégalités nous opposons l’égalité. Au niveau européen, il est temps de prendre certaines décisions immédiates qui préparent des mesures plus ambitieuses.
- Stopper le processus de libéralisation.
Partout la fable libérale a été démentie : chemins de fer, électricité, eau, transports, télécommunications. Ni l’amélioration du service, ni la baisse des prix, ni les économies budgétaires ne sont au rendez-vous. Ce bilan universel n’empêche pas la Commission, les gouvernements, des forces de gauche même, de trouver des vertus à cette politique.
Un observatoire européen sera créé, appuyé sur des observatoires nationaux et locaux, constitués par des représentants du mouvement syndical et associatif, pour tirer un bilan complet des désastres causés par les libéralisations et les privatisations. Les résultats de ses travaux seront soumis au débat des parlements nationaux et européen. Dans l’immédiat, l’Union ne pourra décider aucune nouvelle ouverture à la concurrence.
- Mettre fin à la concurrence déloyale contre les services publics
La « loyauté » de la concurrence, dont l’institution communautaire est si soucieuse, joue à sens unique. L’exemple des transports terrestres est éclairant. Le transport routier, premier concurrent du chemin de fer, profite d’avantages qui sont d’authentiques distorsions de concurrence : réglementation sociale médiocre, règles de sécurité inférieures et largement inappliquées en raison du très grand nombre des entreprises et de l’insuffisance des contrôles.
Ces choix doivent être abandonnés : la collectivité doit considérer que l’intérêt général l’emporte sur toute considération particulière et ne saurait donc être soumis à la tutelle des marchés concurrentiels.
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La défense, la rénovation, l’amélioration et la démocratisation des services publics sont une exigence forte portée par les citoyens de tous les pays de l’Union. Cela nécessite : l’adoption d’urgence d’un cadre juridique européen permettant et garantissant leur existence face aux attaques dont ils sont l’objet et les protégeant contre l’ouverture aux règles du marché qui se traduit toujours par leur dégradation ; leur extension dans certains domaines à l’échelle de l’Europe, dans une logique de coopération.
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Modifier la place des services publics dans le droit fondamental de l’Union
La première mesure consiste à affranchir les services publics des règles européennes de la concurrence. Il faut remettre en cause le statut dérogatoire que le droit européen aujourd’hui en vigueur réserve aux services publics : la concurrence est la loi fondamentale ; le monopole de service public n’est toléré que par exception, sous conditions et dans une acception restrictive.
La suppression de son statut dérogatoire et l’inapplicabilité des règles de la concurrence se traduiraient concrètement par les règles suivantes : les aides publiques aux entreprises de service public sont autorisées ; les ententes entre entreprises de services publics sont licites lorsqu’elles visent à améliorer le service ou à le rendre à moindre coût. Une orientation plus volontaire consistera à encourager les financements publics nationaux et locaux et la coopération entre les entreprises de service public. -
Respecter le principe de subsidiarité
Chaque État doit disposer, dans le cadre du principe de subsidiarité, du droit de décider des activités auxquelles il entend conférer le statut de service public et de les organiser comme il l’entend, sous la seule contrainte d’en informer les institutions européennes.
- Construire des services publics européens
Il est des secteurs dans lesquels une organisation européenne des services publics est nécessaire. C’est clair dans les domaines des transports, de la poste, des télécommunications. Dans certains cas, l’intervention européenne consistera à donner une impulsion à la coopération des services publics nationaux. Dans d’autres, parce qu’il s’agit d’un nouveau service et que les acteurs nationaux n’existent pas, elle prendra d’emblée la forme d’une organisation européenne. On aura alors besoin de rendre possible et de définir la propriété publique européenne. Dans les deux cas, nous proposons en effet que les services publics européens soient dans le secteur public et en situation de monopole.
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Exclure les services publics des négociations commerciales internationales, comme l’AGCS.
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Tout cela suppose de remettre en cause immédiatement toutes les stipulations du droit européen qui contredisent la logique de service public au nom de « la concurrence libre et non faussée » : le refus du monopole ou des droits spéciaux destinés à le protéger ; le commerce libre dans les relations avec le reste du monde ; la suppression progressive des restrictions aux investissements étrangers et à la réduction des barrières douanières et autres ; l’interdiction d’entraver la libre circulation des capitaux ; la soumission des services publics aux règles de la concurrence ; la conception des transports, des télécommunications et de l’énergie comme des « marchés ouverts », ce qui tend à rendre les libéralisations irréversibles.
IV. L’Europe doit s’appuyer sur un nouveau modèle de développement
L’Union souffre de la conjonction du libéralisme et d’un productivisme destructeur et prédateur. Au contraire des logiques dominantes actuelles, un « alterdéveloppement » ouvre une voie réaliste pour notre continent. Cela suppose une réorientation des politiques de l’Union, la mobilisation différente des ressources disponibles et une autre action de l’Europe dans les rapports Nord-Sud comme dans l’ensemble des institutions internationales.
A. Des nouvelles politiques en matière d’agriculture et d’environnement
Nous proposons une réorientation sérieuse de la politique de l’Union dans deux domaines : la politique agricole et l’environnement.
1. La politique agricole
La politique agricole devra tourner le dos aux choix productivistes et exportateurs et s’attaquer au pouvoir de l’agrobusiness. Ils sont source de pollution, d’érosion des sols, de disparition des petites exploitations, de gaspillage d’eau, de catastrophes sanitaires. Ils génèrent des produits peu diversifiés et potentiellement dangereux.
Cela pourrait se faire de la manière suivante :
1.L’interdiction des OGM et l’édiction de normes restreignant l’utilisation des pesticides et des engrais chimiques et la consommation d’eau ; un moratoire sur la production des agrocarburants ; une réorientation de la recherche agronomique vers les impératifs d’un développement soutenable.
2.Une politique publique visant le développement et non la réduction de l’emploi agricole, le soutien à la petite paysannerie. Il faut revaloriser les revenus agricoles qui ne pénalisent en aucune manière le consommateur final (le prix de l’alimentation est aujourd’hui bien plus déterminé par le transport, la transformation, le marketing, les profits de la grande distribution que par la production agricole elle-même).
3.La remise en cause de la vocation exportatrice de l’Union. Cela concerne tout particulièrement les produits de base qui ont besoin de substantielles aides publiques pour être concurrentiels sur le marché mondial (lait, blé, viande bovine).
4.Maîtriser les volumes de la production dans toute l’agriculture, ainsi que cela se fait pour les produits laitiers ou avec les AOC viticoles. Il faut contenir la logique de production intensive, source première de la surproduction relative.
5.Réguler le partage des marges au sein de la filière agroalimentaire, pour empêcher leur captation par les industries d’aval et la grande distribution.
Tout cela se conduit bien sûr en cohérence avec une transformation profonde des relations commerciales internationales, en se fondant sur le principe de la souveraineté alimentaire et non sur la libre concurrence mondiale. Cela ne peut se faire dans le cadre de l’OMC actuelle.
2. L’environnement
Une charte fixera les ambitions européennes d’un modèle de développement humain, économe et donc soutenable, au contraire des logiques spéculatives et productivistes. Elle agira en ce sens dans les négociations sur l’après-Kyoto Kyoto (2012).
Pour ce qui la concerne, elle agira pour le développement du transport ferroviaire et de la voie d’eau, la sécurité maritime, l’essor des énergies alternatives renouvelables, les économies renforcées d’énergie, la protection des milieux naturels et l’amélioration des cadres de vie. Cela suppose de :
1.Réformer la politique des transports en renonçant à la concurrence qui pénalise le rail. Il faut investir massivement pour compléter et moderniser les infrastructures ferroviaires et de voie d’eau, assurer l’interopérabilité des réseaux et construire des plates-formes intermodales (permettant de passer d’un mode de transport à un autre).
2.Réformer la politique énergétique. L’Europe doit définir les moyens de son indépendance énergétique. Sa dépendance vis-à-vis du pétrole ne peut être réduite que par une réforme radicale et une politique commune. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre nécessite d’agir pour l’efficacité énergétique, les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables. La limitation de la consommation des transports aériens et maritimes sera systématiquement recherchée, par exemple par la taxation du gasoil. Une autre mesure est de revenir sur la libéralisation du transport aérien, source de gaspillage énergétique et de pollution sonore. Les modalités de sa complémentarité avec les autres modes de transport, notamment le ferroviaire, seront mises en discussion. Il sera proposé de ne développer le transport aérien, sauf circonstances particulières, qu’au delà d’une distance donnée (500 km par exemple). L’Union visera à développer la recherche sur les énergies nouvelles et créera un fonds de soutien aux programmes d’isolation des logements. Reste la question du nucléaire qui est un sujet de divergence important parmi les tenants de la transformation sociale.
Rappelons toutefois que, à l’automne 2006, un accord s’était dégagé, dans le cadre des collectifs antilibéraux autour des formules suivantes, alors valables dans l’espace français : « Sortie progressive du nucléaire ou maintien d’un nucléaire sécurisé et public : le débat est ouvert. Un contrôle indépendant et citoyen doit permettre d’assurer la transparence du dossier et sans attendre le référendum une expertise indépendante et poussée sera effectuée sur la sécurité et les conditions de travail des salariés et de vie des populations avoisinantes sur l’ensemble du parc nucléaire et plus particulièrement sur les plus anciennes. En cas d’urgence établie des fermetures seront décidées. Un débat national sur la politique énergétique et le nucléaire sera conduit, de l’information jusqu’à la décision à l’issue d’un referendum populaire. Durant le débat, qui sera engagé dès la première année, un moratoire sur la construction de tout nouveau réacteur [précision mise en débat : « dont EPR »), et sur tout démantèlement], sera observé ».
3.Utiliser l’outil fiscal. L’harmonisation fiscale nécessaire devra être orientée par ces enjeux de développement soutenable, par exemple en taxant l’utilisation des ressources non renouvelables.
4.Réguler le commerce des services d’environnement. Dans le cadre de l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS), l’Union concentre ses demandes d’ouverture des marchés des autres régions du monde sur les secteurs convoités par ses multinationales (eau, assainissement, déchets). L’Europe doit au contraire y défendre la logique de bien public mondial. L’eau pourrait être un champ d’exercice immédiat.
B. D’autres rapports avec le Sud, une autre action sur la scène internationale
1.L’Europe annulera les dettes contractées par les pays du Sud à son égard. Elle portera son aide au développement au moins à 0,7 % du PIB. Elle cherchera à redéfinir le rôle des entreprises européennes installées dans le Sud et d’autres modalités de coopération, hors de tout impérialisme économique, technologique ou culturel. Elle pèsera en faveur du Sud dans toutes les négociations et notamment celles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’Union combattra à l’échelle internationale la politique des brevets qui met les pays du Sud sous la coupe des firmes transnationales.
2.Les traités de libre-échange doivent être dénoncés et, à travers eux, le principe de libéralisation générale des échanges commerciaux. La préférence doit aller à une ouverture extérieure sélective et négociée, destinée à favoriser les productions locales, à protéger les secteurs prioritaires, à promouvoir des objectifs sociaux et environnementaux. Même chose avec les accords internationaux relatifs à l’investissement ou à la propriété intellectuelle, qui doivent être négociés selon les principes de solidarité avec les pays moins avancés, de préservation ou de création de l’emploi local, de satisfaction des besoins sociaux et de protection de l’environnement, des ressources et des savoirs.
3.Il convient de mettre un terme aux échanges déséquilibrés, notamment en ce qui concerne les produits de l’agriculture : tout produit agricole subventionné par l’Union européenne doit être interdit à l’exportation vers les pays du Sud s’il entre en concurrence avec leurs propres productions. Il faut reconnaître le droit de tout pays (ou de tout ensemble de pays) à la sécurité et à la souveraineté alimentaires, quitte à admettre la nécessité du protectionnisme pour ceux qui en ont un besoin vital. Dans le même esprit, il faut admettre la possibilité, pour les pays du Sud, de protéger leurs industries naissantes par des droits de douane adéquats.
4.L’Europe proposera la refonte du système des Nations Unies, la réduction du rôle des membres permanents du Conseil de Sécurité, la transformation des missions et statuts de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et de l’OMC.
5.Dans l’ensemble, une Europe du développement humain soutenable ne saurait se penser comme une puissance opposée à d’autres puissances dans la course à la domination mondiale. Au contraire, une Europe solidaire et active peut contrer les ambitions impériales des USA et contribuer à réduire les rapports inégalitaires qui déforment le monde contemporain. Cela implique qu’elle ne se place pas sous la tutelle de ses grandes firmes multinationales.
6.C’est le principe de concurrence libre et non faussée qu’il faut remettre en cause. Une nouvelle génération de traités doit s’imposer, remplaçant ce principe par ceux de solidarité, de cohésion sociale et de respect de l’environnement. Dans cet esprit, l’Union européenne devrait :
os’opposer à la déréglementation générale qui a exacerbé la mobilité des capitaux, pratiquer et promouvoir la mise en place de taxes sur les transactions financières et le rétablissement d’un contrôle des changes ;
ocontrôler les investissements directs, ceux des entreprises extra-européennes installées en Europe et ceux des entreprises européennes établies à l’extérieur de l’Union ;
orefuser la perspective d’une zone de libre échange euro-atlantique.
De même, il serait absurde que l’Europe applique de façon stricte les règles du « libre » commerce, en ignorant le poids du Buy American Act ou de l’État japonais pour soutenir les entreprises de leurs pays respectifs. Il n’y a pas de « préférence communautaire » en Europe alors que les USA ou le Japon n’hésitent pas à se protéger malgré leurs discours vitupérant les « protectionnismes ». Des mesures protectionnistes peuvent être envisagées pour défendre les mesures progressistes que l’Europe aurait décidées.
C. Une politique de paix
Il faut rompre avec la logique militariste qui guide l’Union européenne.
1.Arrêt des ventes d’armes. Cinq pays (dont la France, classée troisième) réalisent plus de 80 % des ventes d’armes dans le monde. Le code de conduite adopté par les pays de l’UE n’a pratiquement rien modifié dans la politique des grands pays vendeurs d’armes, et les gouvernements français successifs ont cédé au besoin compulsif de ventes d’armes, au mépris du respect des droits de l’homme, faisant notamment pression pour que l’UE lève son embargo sur les ventes d’armes à la Chine.
2.Réduction du budget de défense : La France, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, est engagée dans la poursuite de grands programmes technologiques conçus il y au moins deux décennies dans un autre cadre stratégique (guerre froide), d’un coût extravagant et incessamment en hausse.
3.Sortie de l’OTAN et refus des logiques militaristes et sécuritaires de la politique européenne de sécurité et de défense.
4.Arrêt des recherches sur les armes dites « non létales » (non mortelles) destinées à réprimer les mouvements de populations civiles.
5.Refus de l’usage de technologies sécuritaires, c’est-à-dire utilisées dans les guerres et contre les populations civiles.
6.Interdiction des armes de destruction massive (nucléaire, chimique, bactériologique), produites à grande échelle pour certaines par les pays les plus puissants sur les plans économique et technologique.
7.Arrêt des relations néocoloniales, en particulier en Afrique.
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