Les rouges passent au vert

Le NPA et le PG se piquent d’écologie. Écosocialisme pour l’un, planification écologique pour l’autre, qui y consacre un forum ce week-end… Démarche sincère ou esbroufe ?

Michel Soudais  • 22 janvier 2009 abonné·es

Pour beaucoup, c’est une surprise. Teintée de scepticisme. Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et le Parti de gauche (PG) se déclarent écologistes. Avec plus ou moins d’insistance : « Notre logique politique, c’est de prendre le meilleur des traditions du mouvement ouvrier, qu’elles soient trotskistes, socialistes, communistes, libertaires, guévaristes ou du mouvement de l’écologie » , déclarait Olivier Besancenot, la semaine dernière, sur Canal +. Le 29 novembre, lors du meeting de lancement du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon dressait ce portait robot des militants du PG : « Nous sommes socialistes et nous sommes communistes, nous sommes écologistes, nous sommes passionnément républicains ; bref, nous sommes “de gauche”. »
Dans les milieux écolos, l’engouement subit pour l’écologie des dirigeants de ces deux formations naissantes suscite curiosité et méfiance. Au vu d’un passé productiviste qui leur colle à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock, l’interrogation n’est pas illégitime. Effet de mode ou virage idéologique ? Le journal la Décroissance craint que ce verdissement des discours ne se résume à « un peu de développement durable supplémentaire ».

Illustration - Les rouges passent au vert

La gauche de gauche veut prendre le meilleur de l’écologie. Saget/AFP

Plus nuancée, la Verte Francine Bavay se « félicite [d’abord] que les questions écologiques soient reprises » . « Cela prouve, estime-t-elle, que plus personne ne peut faire de politique sans s’en préoccuper. Un peu comme au XXe siècle quand la question sociale, qui était largement ignorée du champ politique, a dû être prise en compte dans les politiques globales. » La conseillère régionale (Verts) d’Île-de-France décèle toutefois l’existence de « deux visions » distinctes. La première consiste à croire que « l’écologie est une question spécifique à traiter spécifiquement » au même titre que le féminisme. La seconde, empreinte d’une certaine modestie, fait l’aveu qu’elle ne connaît pas le sujet et « fait appel à des gens qui savent ».
À ses yeux, la première attitude caractérise la démarche du NPA. C’est au printemps dernier que la direction de la LCR a encouragé la publication d’un appel intitulé « un nouveau parti pour une écologie anticapitaliste » . Signé notamment par Michaël Lowy, du Réseau écosocialiste international, et l’altermondialiste Raoul Marc Jennar, ce texte qui listait huit « ruptures d’ampleur » appelait non seulement à « rompre avec le capitalisme » mais aussi à « tirer les leçons du productivisme », avant d’inviter le NPA à « mettre au cœur de son programme la défense de l’environnement et la sauvegarde de la planète ». Il visait aussi à convaincre les écologistes ­radicaux de venir construire au NPA « un parti anticapitaliste et ­écologiste ». Cet « appel spécifique » visait aussi, comme l’explique Hendrick Davi, membre de la commission écologie de la LCR [^2], à « renforcer » le mouvement d’adhésion au NPA de « ceux pour qui l’engagement écologiste est fondamental » et réactiver ainsi « la nécessaire rencontre du Rouge et du Vert ».

Les 13 et 14 décembre, une première « rencontre nationale écologie » du NPA, à laquelle des représentants du mouvement des Objecteurs de croissance ont participé, a réuni plus de 80 militants. Les débats ont porté sur l’eau, la crise climatique, les alternatives énergétiques, l’agriculture, le développement et la décroissance, l’écologie politique. La réflexion a conclu également à la nécessité de rendre l’écologie transversale afin qu’elle soit partie intégrante des préoccupations des différentes commissions thématiques du nouveau parti. Une adresse en ce sens a d’ailleurs été versée aux débats du congrès, indiquant par là même que la place de l’écologie dans le projet NPA n’est pas encore bien assurée.
« La gauche radicale a pris un gros retard sur [les] questions » écologiques, explique Vincent Gay, un des organisateurs, dans une vidéo du site Internet du NPA. Cet écologiste issu de la LCR estime que la création du NPA est « un moyen de combler ce retard » , en créant « une nouvelle culture politique » entre une tradition sociale et politique liée au mouvement ouvrier, et les questions et expériences des générations nouvelles autour de l’écologie radicale. Une synthèse déjà baptisée écosocialisme. « Si on arrive à faire cette jonction-là, on aura fait un grand pas pour l’avenir » , pronostique-t-il.
La démarche du PG procède du deuxième cas de figure pointé par Francine Bavay. Lors de son meeting de lancement, Jean-Luc Mélenchon avait lancé « un appel » particulier aux « écologistes de gauche » , les invitant à occuper une « place centrale au cœur » du nouveau parti « pour [en] fonder le programme et les propositions » . « Nous avons besoin d’être beaucoup aidés pour opérer sur nous-mêmes la mutation idéologique que l’écologie politique propose », avait renchéri le sénateur de l’Essonne. Effet de tribune ?
Non, puisque la proposition est faite alors aux « écologistes qui le ­veulent, quelle que soit leur ­appartenance » , de participer à un forum chargé de « fixer les grands axes du projet de planification écologique » du programme du PG, et qui se tiendra bien samedi au Sénat, comme annoncé [^3] malgré un calendrier des plus ­chargés. « Un signe fort » , expliquent les organisateurs, qui ont convaincu Hervé Kempf, auteur de P our sauver la planète, sortez du capitalisme (Seuil), Martine Billard, députée (Verts) de Paris, et l’agronome Marc Dufumier, chantre de la souveraineté alimentaire, de venir échanger avec eux.
Sans délai, la commission écologie du PG a aussi produit un document préparatoire à ce forum qui commence à détailler ce que recouvre cette « planification écologique » : rien de moins que le mode de « transition vers l’alterdéveloppement ». « Ni le capitalisme ni le marché ne permettent d’aller vers un modèle de développement qui soit à la foi durable pour notre planète […] et émancipateur pour les personnes » , lit-on dans ce texte qui se prononce contre le productivisme, envisage une « bataille culturelle » contre la société de consommation, et ébauche ce que pourrait être une politique écologique européenne.
« Je m’y reconnais à 100 %, ça va au-delà d’une liste de mesures vertes », jubile Franck Pupunat. L’ancien porte-parole d’Utopia, rallié au PG, où il siège à la direction nationale provisoire, se félicite de voir ce « raisonnement politique authentiquement écolo et alter » gagner des esprits nourris au lait de la première gauche.
Ce document, bien que provisoire – les échanges du forum puis les ­comités locaux devraient le faire évoluer –, est « intéressant » , apprécie Martine Billard. « Il n’y a pas grand-chose à en dire pour l’instant. » Refusant pareillement de juger de la sincérité écolo du NPA, elle estime difficile de se prononcer sur des « partis neufs » avant de voir « ce qu’ils feront de leurs textes » . Elle attend « le passage à l’acte » : « Porteront-ils ou non des mobilisations ? » « J’espère qu’ils ne se cantonneront pas au discours », poursuit-elle en rappelant que « la présence de la LCR dans les mobilisations écologiques était loin d’être en adéquation avec ses textes sur ces sujets ». Les petits nouveaux devront faire leur preuve…

[^2]: Critique communiste, juin 2008.

[^3]: Inscription obligatoire par mail. Rens. : .

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Temps de lecture : 6 minutes

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