L’Îlot fruits, corne d’abondance
Au sud-est de Basse-Terre, dans un cadre somptueux, le gîte des Mazingant est l’un des bâtiments les plus écologiques de Guadeloupe. Tout un état d’esprit.
dans l’hebdo N° 1034 Acheter ce numéro
« On a flashé sur le terrain ! » , s’exclame Éric Mazingant. On flasherait à moins : du replat de La Regrettée, où est installée la ferme, c’est la loge royale. La mer scintille autour des Saintes, et Marie-Galante s’élève en gris-bleu un peu plus loin. La végétation tropicale et les rochers revendiquent le morne jusqu’à Trois-Rivières, dispute tranchée par le rectangle ordonné des bananeraies dès que la pente se fait plus douce. « Chez nous, le terrain est resté vierge de cultures pendant près de quarante ans. Pas de produits chimiques, rien. » Aubaine supplémentaire, car les Mazingant voulaient produire bio.
Agriculteurs, ils débarquent en Guadeloupe en 1995, lassés de la Lorraine. Ils cultivent un premier terrain à Baillif, sur la côte sud-ouest de Basse-Terre, et « font » pendant quatre ans de la banane – « on mettait des pesticides, comme tout le monde » , reconnaissent-ils. Ils poursuivent à La Regrettée, côte sud-est, mais intégralement en bio cette fois-ci.
En 2003, les Mazingant décident d’arrêter la banane : le marché cahote. Ils se convertissent à l’élevage, pour la viande, et plantent un verger créole – des dizaines de pieds de corossol, carambole, avocat, papaye, oranges, cerise-pays, pomme-rose… « Et puis je voulais faire un gîte, poursuit Évelyne. L a diversification est une obligation, tant le revenu agricole a chuté. »
Les Mazingant, la cinquantaine passée, ont l’âme entrepreneuse. « On fait les choses à fond, avec un tempérament autonome » : un esprit dont l’Îlot fruits, leur domaine, est totalement imprégné. Les propriétaires vont même jusqu’à s’offrir un atelier de découpe de la viande pour monter un circuit de vente directe – une cascade de petits exploits dans ce lieu.
La maison des Mazingant mais aussi les quatre chalets qui reçoivent les touristes sont exemplaires, primés en 2002 pour leur conception. En bois, ils sont autonomes en eau chaude et même en électricité – une rareté en Guadeloupe –, grâce à des chauffe-eau solaires et des panneaux photovoltaïques. Perchée à quelques dizaines de mètres, une petite éolienne complète la production d’électricité en tirant partie des alizés qui soufflent gentiment toute l’année. Pas de clim chez les Mazingant : la ventilation naturelle suffit, grâce à une bonne conception des logements. La récupération de l’eau de pluie est en projet, l’un des chalets dispose d’un accès pour handicapés.
Et puis on trie les déchets – six conteneurs différents. Ce n’est pas une banalité, en Guadeloupe, où seules quelques municipalités ont organisé une collecte. « On se charge nous-mêmes d’aller déposer ça à la déchetterie de Grand-Camp. » À une cinquantaine de kilomètres.
Et puis Évelyne organise des randonnées, pour ses clients. L’Îlot fruits est au pied de parc national de la Guadeloupe. Derrière les chalets, on aperçoit les contreforts de la Soufrière.