Ne parlons pas football…
dans l’hebdo N° 1036 Acheter ce numéro
Nous avions fait parrainer le numéro de nos 20 ans par Jamel Debouzze. Lilian Thuram sera en quelque sorte le parrain de cette nouvelle formule de Politis. C’est un paradoxe puisque, dans ce journal, nous parlons peu de sport, sauf pour en dénoncer les excès, l’intrusion massive de l’argent, de la pub, et parfois du dopage. Bref, pour nous, les occasions de parler positivement d’un grand sportif sont rares. Pour autant, le sport, comme spectacle, est un phénomène de société. Il peut être un ferment stupide de nationalisme et de division, voire un exutoire pour des jeunes gens ivres de haines et de racismes.
Mais il peut être aussi fédérateur : un sujet perpétuel de discussions à mi-chemin entre la météo et la politique, voire un rêve. Nul donc ne peut prétendre s’en désintéresser complètement. Nous sommes même curieux de savoir qui sont vraiment ces étranges gamins montés en graine qui deviennent du jour au lendemain les idoles de leur génération, qui peuvent devenir immensément riches en un rien de temps, tout en paraissant enfermés dans leur bulle, indifférents au reste du monde, donc assez naturellement « réacs » et oublieux de leur condition première. Lilian Thuram est à l’inverse de cela.
Il voit bien au-delà de la ligne de but adverse. On se souvient qu’il avait refusé des offres de Nicolas Sarkozy, qui l’aurait volontiers enrôlé parmi ses faire-valoir. Des dirigeants en vue de la gauche n’ont pas eu cette fermeté de caractère. On se souvient que Lilian Thuram, avec Patrick Vieira, s’était mobilisé pour les squatters de Cachan, et qu’il avait fait scandale en invitant certains d’entre eux au Stade de France. On se souvient de ses prises de position contre le racisme – et ce n’est pas si simple quand on est footballeur professionnel et que votre employeur vous demande de vous taire… D’où l’envie de cette rencontre avec un homme finalement passionné par la vie de la cité. Et c’est aussi un clin d’œil à une autre actualité. Une réflexion sur la diversité à la française, en pleine Obamania.