Toujours sur le trottoir

La polémique sur l’hébergement obligatoire des sans-abri rebondit cependant que le DAL réclame une solution pour 233 familles que l’État s’était engagé à reloger fin 2007.

Ingrid Merckx  • 8 janvier 2009 abonné·es

Le 18 décembre 2006, Nicolas Sarkozy s’était engagé à ce que « d’ici deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid » . Un objectif devenu, le 1er janvier 2009 : « Nous n’avons pas le droit, même au nom de l’idéal de liberté, de laisser mourir de froid des femmes et des hommes livrés à eux-mêmes dans la rue. » Le Président rebondissait ainsi sur une polémique suscitée, d’une part, par de récents décès portant à 360 le nombre de personnes mortes « dans la rue ou des suites de la vie dans la rue » en 2008, d’après le collectif les Morts de la rue. Et, d’autre part, par la proposition, le 26 novembre, de la ministre du Logement, Christine Boutin, de rendre obligatoire l’hébergement des sans-abri quand les températures atteignent – 6 °C. Celles-ci stagnant dans les négatives ces dernières semaines, la polémique n’a cessé de rebondir.
Le 27 novembre, pour contrer la fronde des associations de défense des sans-abri qui dénonçaient « répression », « atteinte à la liberté de circulation » et « rétablissement du délit de vagabondage » , François Fillon avait déclaré : « Il n’est pas question d’obliger les SDF à rejoindre les hébergements d’urgence. » Mais Christine Boutin n’en démord pas. Selon elle, zéro SDF est un objectif « impossible à atteindre, puisqu’il y a des personnes qui ne veulent pas répondre favorablement quand on leur propose un abri » . Et de marteler que 83 % des Français seraient « favorables à l’hébergement obligatoire des sans-abri en cas de grand froid » . Le 29 décembre, elle a recommandé aux Français « d’être attentifs à ce qui se passe dans la rue » . Le 27, François Fillon avait demandé à ce qu’aucune demande d’hébergement ne soit refusée pour la Saint-Sylvestre. Dans la nuit de Noël, une vingtaine de personnes s’étaient vu refuser un hébergement à Paris.

Illustration - Toujours sur le trottoir

Les sans-abri ne meurent pas qu’à Noël, mais toute l’année…
Langlois/AFP

Selon les associations, le débat ne porte pas sur ceux qui refusent un hébergement mais sur le nombre réel de places disponibles et sur les conditions mêmes d’hébergement. « En Allemagne, où la police embarque de force les SDF, les autorités se sont donné les moyens d’avoir des places d’hébergement dignes […]. Ici, on prend les choses à l’envers ! » , s’irrite Patrick Doutreligne, de la Fondation Abbé-Pierre. Le 26 décembre, il cosignait dans l e Monde une tribune intitulée « Pas de ramassage forcé pour les sans-abri ». Texte qui rappelle que les sans-abri ne meurent pas qu’à Noël mais toute l’année, que les prendre de force reviendrait à les déposséder de leur statut de personne, et que les conditions pour les accueillir ne sont pas réunies. « Le nombre de places d’hébergement d’urgence a considérablement augmenté pour atteindre près de 100 000 places en cette fin d’année », objecte Christine Boutin. Selon elle, le nombre de places en centres de réinsertion et de stabilisation a été porté à 37 700 en 2008, contre 31 000 en 2006, et le nombre de places en maisons relais serait passé de 3 200 en 2006 à 5 300 en 2008. En outre, Nicolas Sarkozy aurait débloqué 160 millions d’euros pour humaniser les centres d’hébergement et créer de nouvelles places. Mais à quelle échéance ?
Le 31 décembre, le collectif Droit au logement (DAL) a réveillonné au gymnase Saint-Merri, prêté par la mairie de Paris pour mettre à l’abri la centaine de mal-logés ayant remonté un campement rue de la Banque le 14 décembre. Motif ? Toujours pas de logement pour 233 des 374 familles qui campaient l’année dernière, et que l’État avait promis de reloger le 14 décembre 2007. De son côté, le ministère affirme que l’État a « tenu son engagement » . Depuis le 2 janvier, date limite fixée par la mairie de Paris pour l’occupation du gymnase, les mal-logés et ceux qui les soutiennent sont de nouveau sur le trottoir.
Le 3 janvier, le DAL Toulouse a manifesté place du Capitole sur le thème « Réveillons nos élus ». Il en a profité pour officialiser l’occupation d’une quarantaine de logements vides dans un immeuble ancien de la ville. Le 4 janvier, la manifestation organisée par le DAL à Paris a mal tourné : cinq manifestants, quatre femmes et le porte-parole du collectif, Jean-Baptiste Eyraud, ont été blessés lors d’une bousculade avec la police. Le DAL a quand même réussi à déployer sur le pont des Arts sa banderole « Un toit, un droit ». Le 5 janvier, il attendait toujours d’être reçu à Matignon. Sa requête : l’application de la loi de réquisition pour les mal-logés. 2009, année où le droit au logement devient opposable…

Société
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