Le requiem de forêts

La tempête dans le Sud-Ouest a entraîné la disparition de millions d’arbres et la ruine de milliers de propriétaires. Une catastrophe écologique et sociale peu prise en compte par les pouvoirs publics.

Claude-Marie Vadrot  • 19 février 2009 abonné·es

Lentement mais sûrement, l’opinion publique oublie que le sud-ouest de la France a subi une catastrophe climatique, économique et sociale avec la disparition, notamment dans les Landes, de millions d’arbres qui vont pourrir par terre au point d’être inutilisables pour quoi que ce soit dans quelques mois. Parce que l’État se ­désintéresse des zones et des populations sinistrées à partir du moment où le téléphone et l’électricité fonctionnent de nouveau. Sans doute parce que le secteur industriel n’est pas directement touché et que les propriétaires ruinés par la chute des pins des Landes, une trentaine de milliers, ne constituent pas une « force politique » suffisante pour émouvoir longtemps les autorités et le président de la République. Le maire de Louchas, commune de 730 habitants au sud de Bordeaux, analyse ainsi le discours de ce dernier : « Il est facile de comprendre, en écoutant ses déclarations lors de son rapide voyage dans la région, qu’il a privilégié les effets d’annonce et qu’il n’a rien compris à ce qui s’est passé, qu’il n’a aucune notion de ce que peut être une forêt. »

Illustration - Le requiem de forêts

La forêt des Landes, créée à la fin du XIXe siècle, est désormais condamnée à disparaître.
Bernard/AFP

Entre chablis (arbres déracinés) et volis (arbres brisés), les 15 000 propriétaires landais qui possèdent moins de 10 hectares ont irrémédiablement perdu un complément de retraite ou de revenus. La situation n’est guère plus enviable pour les 15 000 autres, sauf pour la Caisse des dépôts, le plus gros propriétaire de la région. « Car, expose Philippe Carreyre, conseiller général de la Gironde, la plupart d’entre eux n’auront ni l’envie ni, surtout, les moyens de replanter. D’autant plus que, contrairement à ce qui s’était passé en 1999, les jeunes arbres ont beaucoup souffert, qu’il s’agisse de ceux plantés il y a dix ans ou de ceux qui ont entre 15 et 20 ans. Même les acacias n’ont pas résisté. Donc la filière bois est par terre. Il ne faut pas oublier qu’une production de bois fonctionne sur un cycle minimum de quarante ans. Je pense que même les quelques grands propriétaires vont préférer des investissements à plus court terme. » Ce qui signifie clairement que cette forêt des Landes, créée à la fin du XIXe siècle pour assainir des zones de marais, est désormais condamnée à disparaître.

Des industriels tentent de profiter de la situation : l’un d’eux a proposé à Louchas, dont les 60 hectares de forêt communale ont été ravagés, de lui acheter 5 000 mètres cubes : « Il nous fallait débiter les troncs et les transporter à l’usine, explique le maire, pour un prix qui couvrait tout juste la dépense. On a renoncé, alors que la commune a besoin d’argent. »
Ces charognards, parfois venus de loin, démarchent communes et propriétaires, présentant leurs offres dérisoires comme un service rendu. Alors que huit années de production sont à terre, que les parasites vont rapidement ronger le bois, que les risques d’incendie sont accrus puisque, au mieux, 20 à 30 % de ce bois pourront être ramassés, sauf à organiser une opération d’urgence en mobilisant rapidement des milliers de salariés bien équipés. Mais personne n’a songé à inclure une telle opération dans le « plan de relance », les industries papetières et la filière du bois industriel ayant fait savoir qu’elles préféreraient s’approvisionner à l’étranger. En Russie, par exemple. Quant aux usines de pâte à papier du Sud-Ouest, elles sont incapables ou peu désireuses d’absorber plus de bois.

La situation, conséquence du morcellement forestier français et d’une gestion erratique de l’Office national des forêts, est dramatique pour les retraités qui compensaient des retraites trop modestes grâce aux coupes régulières. Personne ne les aidera, parce qu’ils sont peu, mal ou pas assurés. Conséquence : comme les plantations vont s’arrêter, des milliers d’emplois vont disparaître dans les Landes, comptant 627 000 hectares de forêt, qui en faisaient le département le plus boisé de France. Sans oublier le bouleversement inévitable de la biodiversité dans la région.

Écologie
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