Leçons indigènes à l’usage des Blancs
Les peuples de la forêt sont venus au FSM pour alerter sur la crise de la biodiversité.
Ils ont lancé une campagne pour sauver leurs territoires et ceux qui y vivent.
dans l’hebdo N° 1038 Acheter ce numéro
À pas rapides, ils fendent la foule en file, comme entre les arbres d’un sentier de forêt. Les appareils photo se tendent. Les peuples indigènes impriment leur marque au forum dès le premier jour. Difficile de les ignorer, vu leur nombre – près de 2 000 hommes et femmes issus de plusieurs dizaines de communautés d’Amérique latine – et la couleur de leurs tenues d’apparat, peau cuivrée ornée de peintures. Xavante, Kayapo, Munduruku, Matis, Marubu… Ceux d’Amazonie sont venus avec lances et arcs. Ces peuples de la forêt profonde comptent près de 500 000 âmes réparties entre 220 tribus.
À Belém, ils ont monopolisé la tribune en conclusion de la marche d’ouverture, et à plusieurs reprises ensuite. « Les fleuves sont étranglés, les poissons disparaissent, nous souffrons et la planète aussi. Il faut sauver la forêt, l’eau, la vie, et ce n’est pas seulement notre affaire, mais aussi la vôtre ! » , expliquent-ils. « Je n’ai pas été à l’école, mais je sais prendre soin de la forêt, lance un Yanomami. Beaucoup de Blancs ont étudié, pourtant ils la détruisent. »
Disposant d’un chapiteau sur le campus de l’Université fédérale rurale, les indigènes, affiliés à plusieurs réseaux régionaux, ont lancé une campagne pour sauver l’Amazonie et ses peuples. « À Belém, ils nous ont réinculqué la nature, et nous ont montré que la crise de la biodiversité est aussi l’expression d’une crise de civilisation » , estime Cândido Grzybowski, directeur des programmes de l’Institut brésilien d’analyses sociales et économiques (Ibase). « Nous avons montré que nous sommes des acteurs politiques vivants, pas du folklore », ajoute le Péruvien Mario Palaciu. Cinq chefs d’État latino-américains se sont retrouvés à Belém, et les principaux représentants indigènes ont tenté de les rencontrer. Échec. « C’est de notre faute, nous aurions dû mieux préparer notre coup, c’est une leçon à retenir » , convient Marcos Apurinã, vice-coordinateur de la Coiab, qui représente près de 60 % de la population indigène du Brésil. « Mais un jour, comme Morales en Bolivie, comme Obama aux États-Unis, nous aurons nous aussi un indigène au pouvoir dans ce pays ! »