Mercure contre la Terre
pollution Le mercure utilisé par les orpailleurs ainsi que les méthodes d’extraction de l’or infligent de graves dommages aux hommes et à l’environnement.
dans l’hebdo N° 1038 Acheter ce numéro
Le vieux plateau guyanais recèle beaucoup d’or, sous forme de paillettes que l’on peut récupérer avec des moyens rudimentaires : lessivage du sol à la lance à eau, filtrage de la boue et amalgame des paillettes en versant du mercure dessus. En faisant chauffer le mélange, on récupère l’or. Une technique radicale et désastreuse, interdite depuis 2006. Les vapeurs mercurielles intoxiquent les orpailleurs avant de se disperser. Le reste est évacué directement dans les cours d’eau par les boues d’exploitation. L’orpaillage illégal relâcherait trente tonnes de mercure par an en Guyane, métal qui s’accumule le long de la chaîne alimentaire.
Les poissons carnivores – « les plus goûteux, et sans arêtes, que les enfants préfèrent », souligne le Grand Man Aimapoti – sont jusqu’à mille fois plus contaminés que les poissons herbivores. Jean-Pierre Havard, de l’association Solidarité Guyane, mesure dans les cheveux des Wayanas des concentrations jusqu’à deux fois supérieures au plafond défini par l’OMS. Kayodé, Antécume-Pata et Twenké sont les plus touchés. Cette contamination chronique provoque des troubles cognitifs chez certains enfants.
« Mais, contrairement à une idée reçue, cette pollution joue un rôle secondaire », estime Rémi Pignoux, médecin de santé public à Maripasoula, qui a participé aux « commissions mercure » mises en place en 2001 et 2004 par la préfecture – sans suite.
En effet, le plateau guyanais recèle naturellement de grandes quantités de méthyl-mercure, que l’organisme fixe bien, au contraire du mercure métal, qui n’évolue vers la forme méthyle que sous certaines conditions. Et c’est bien le lessivage des sols par l’orpaillage, mais aussi le broyage des roches des exploitations industrielles, qui, en libérant le méthyl-mercure, sont les premières causes de la contamination.
Aussi, la publicité donnée par les pouvoirs publics à l’interdiction du mercure et la condamnation de l’orpaillage clandestin – si légitimes soient-elles – forment un écran de fumée qui tend à passer sous silence la contamination générée par toute exploitation aurifère en Guyane. Et c’est peut-être en aval du barrage de Petit-Saut, dont le lac de retenue a brassé de grandes quantités de méthyl-mercure, que se rencontrent les plus forts taux chez les Guyanais.