Témoin à charge

Sébastien Fontenelle • 5 février 2009 abonné·es

Article paru
dans l’hebdo N° 1038 Acheter ce numéro

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Le mardi 27 janvier 2009, devant le tribunal où comparaît Siné [^2], un témoin à charge, Philippe Val, directeur de l’hebdomadaire comique Charlie Hebdo, lance : « Pour moi, la liberté d’expression est au service de la liberté. Elle ne doit pas stigmatiser des personnes en raison de leur religion [^3]. »
*
À ces quelques mots, les ultimes lecteurs de Charlie sont pris d’une espèce de fou rire nerveux et gloussent que, décidément, ce cocasse Philippe ose tout. ( *« C’est même à ça qu’on le reconnaît » , ajoute une groupie déchaînée.)

Car ces derniers fidèles savent très bien que, dans la vraie vie,
le big boss de l’hebdo qui fait pouffer le Medef ne dédaigne pas de stigmatiser des personnes en raison de leur religion – dès lors que ces personnes sont de confession mahométane, et que, par conséquent, ladite religion est l’islam (qui vient jusque dans nos bras enrôler nos femmes et nos enfants sous la hideuse bannière des mollahs).
Nul(le) ne peut en effet ignorer que Val se prévaut désormais, toutes les neuf minutes environ, et nonobstant son franc souci de ne blesser personne, d’avoir (courageusement) publié, en février 2006, un chapelet de caricatures délicatement islamophobes. Notamment celle qui représentait Mahomet coiffé d’un turban en forme de bombe, et qui amalgamait donc les musulmans au terrorisme. (Et dont l’auteur, Kurt Westergaard, fut en septembre dernier l’invité vedette du congrès du Parti du peuple danois, formation d’extrême droite.)

Nul(le) n’a d’autre part oublié qu’au mois de juin 2008, Charlie Hebdo, concédant que son « humour » , si drolatique dans son (plat) pays, ne « voyageait » pas toujours « bien » , a tout de même pris la défense, au nom, il va de soi, de la liberté d’expression, du caricaturiste néerlandais Gregorius Nekschott. Un garçon charmant, qui dessine un jour un musulman solidement calé sur un pouf, qui déplore que
« le Coran » ne dise pas « s’il faut faire quelque chose pour avoir trente ans de chômage et d’allocs » , et un autre jour « un imam habillé en père Noël en train d’enculer une chèvre avec pour sous-titre qu’il faut savoir partager les traditions ».
Mais n’allons surtout pas supposer bêtement que ces clichés racistes stigmatisent des personnes en raison de leur religion : Philippe Val ne le permettrait pas.

[^2]: Poursuivi par la Licra pour « provocation et incitation à la haine raciale » après la publication de la chronique où il a osé moquer un fils du chef de l’État français.

[^3]: Libération, 28 janvier 2008.