Un lent naufrage
Le Sénat vient de voter en première lecture une loi dépouillée de ses ambitions.
dans l’hebdo N° 1040 Acheter ce numéro
Sûrement, le Grenelle de l’environnement s’étiole. Un an et demi après les ronflantes promesses du président de la République, le Sénat vient seulement de voter en première lecture le texte dit « Grenelle I », c’est-à-dire la loi-programme qui fixe le cadre d’une prétendue révolution écologique à la française. Il devra revenir devant les deux chambres, à une date indéterminée. Le ministre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo, avait initialement annoncé une loi pour… décembre 2007. Il n’est pas certain que tout sera bouclé en juin prochain. Entre-temps, aura probablement commencé l’examen de la loi « Grenelle II », contenant les mesures d’application de Grenelle I. Chevauchements et confusions en prévision.
La machine à dissoudre ses ambitions poursuit consciencieusement son œuvre, animée par les intérêts des élus, des administrations et des groupes d’intérêt économiques. « Plan de relance anticrise, milliards accordés au secteur automobile, loi de finances, contrats de projets État-Région…, chaque nouvelle mesure vient contredire ou raboter les décisions initiales du Grenelle, déplore Olivier Louchard, coordonnateur du Réseau action climat (RAC). Les lobbies regagnent systématiquement du terrain, nous sommes très préoccupés. »
Les déceptions les plus importantes concernent les secteurs clés du transport et des bâtiments, premiers responsables des émissions de gaz à effet de serre et des consommations d’énergie fossile en France.
Voilà que les quelque 2 500 kilomètres de projets autoroutiers en cours, que Jean-Louis Borloo avait présentés comme « gelés » par le Grenelle, refont résolument surface. Une dérogation avait déjà été concédée en cas d’impératifs de décongestion, de sécurité ou « d’intérêt local », vite mise à profit par le Premier ministre pour remettre en selle les portions A63, A150 et A355. Les sénateurs ont paisiblement ajouté que « les grands itinéraires autoroutiers » devront être menés « à bonne fin dans les meilleurs délais » ! Brandissant ces échappatoires, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France vient de justifier près de 500 millions d’euros d’engagement pour de nouveaux projets routiers en 2009.
« Un retour en grâce inacceptable de la route » , s’élèvent plusieurs associations dans un communiqué commun [^2]. Qui confesse aussi une « énorme désillusion » concernant la rénovation thermique des bâtiments anciens, chantier considérable et prioritaire. Alors que les sénateurs espèrent une réduction des consommations d’énergie de près de 40 % d’ici à 2020, le seuil de performance adopté pour la rénovation des logements sociaux est deux fois trop élevé, selon les associations ; et il n’est même pas défini pour les autres logements…
[^2]: Réseau Action Climat, Amis de la Terre, Cler, Fnaut, Greenpeace et WWF.