Vols avec violences
Un rapport condamne le recours à la force lors des expulsions et les menaces envers les témoins.
dans l’hebdo N° 1038 Acheter ce numéro
Brutalité, non-respect des règles ou encore pressions sur les témoins lors des expulsions de sans-papiers. Voici les principaux griefs exprimés par la Commission nationale Citoyens-Justice-Police, composée de la Ligue des droits de l’homme, du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France. « Basée sur des objectifs chiffrés, la politique des expulsions est la porte ouverte à des abus […] qui constituent une violation patente des droits fondamentaux » , note le rapport, qui fait suite à un incident survenu à bord d’un vol commercial d’Air France, le Paris-Bamako du 26 juin 2007 (voir Politis n° 958).
Pris d’un malaise, S. K ., un expulsé d’origine malienne, « se soulève de son fauteuil pour demander au steward de faire venir un médecin ». Deux policiers chargés de l’escorter le plaquent au sol et l’y maintiennent violemment. Étranglé par la pression, l’homme lutte pour se dégager. Atteint d’asthme, il perd connaissance et est évacué en ambulance.
Au terme de son enquête, la Commission nationale dénonce « une disproportion des moyens de contrainte utilisés, la manque de maîtrise et la violence dont ont fait preuve les forces de police ». Tous les témoignages recueillis attestent de l’absence de violence initiale de ce sans-papiers. Face à l’afflux de passagers interpellés par les bruits de lutte, les policiers ont perdu tout sang-froid, prétendant qu’il s’agissait d’un « dangereux récidiviste ». « Les policiers ne s’en sont pas tenus à l’application stricte des directives », conclut le rapport : face au refus d’être expulsé manifesté par S. K., la procédure d’éloignement aurait dû être reportée.
Choqués par cette brutalité policière, certains passagers tentent d’intervenir pour exiger plus de respect envers l’homme expulsé. Interdiction de prendre des photos, menaces de poursuite pour complicité, arrestation et interrogatoire du premier passager intervenu : « Les pressions dont font l’objet ces témoins » et les multiplications « des poursuites judiciaires pour dissuader des passagers de compromettre l’expulsion » inquiètent la Commission.
Ces reconduites présentent au moins la spécificité de se réaliser au grand jour, face à des témoins qui peuvent relater tout débordement. La Commission s’effraye donc « des conditions dans lesquelles s’effectueraient les embarquements et les vols, si les éloignements collectifs sur des compagnies spécialisées se généralisaient, à l’abri des regards ». Qui pourrait alors s’émouvoir de la manière dont sont expulsés ces sans-papiers ?