Bêtes et méchants
dans l’hebdo N° 1044 Acheter ce numéro
Éric Besson, ministre sarkozique des reconduites aux frontières, et Claude Imbert, éditorialiste à le Point , ont de commun, à tout le moins, qu’ils n’aiment guère Stéphane Guillon. (C’est leur droit le plus absolu : on est en démocratie, mâme Dupont – ou si on demande l’asile politique à la Corée du Nord ?)
L’un – Besson – juge que Guillon « gâche son réel talent par des saillies qui relèvent plus de la vulgarité que de l’impertinence » . Puis cet expert ajoute, comme pour confirmer son talent de rhéteur des hauteurs, que « certains comiques » réalisent mal « qu’au-delà des politiques, ce sont des familles et des enfants qu’ils blessent inutilement » [^2]. (Stéphane Guillon, bourreau d’enfants : ça serait bien que tu cesses.)
L’autre – Claude Imbert – y va plus carrément : en pas cinquante ans, estime-t-il, nous sommes passé(e)s, pauvres de nous, d’un (très) chouette « rire d’accueil » [^3], hypersympa et « convivial » , à une « dérision » des « bas-fonds » , à un « rire d’exclusion, de dénonciation » – un rire « de fosse d’aisance » , notoirement « obscène » , dont Stéphane Guillon est le nom [^4], et qui, « insidieusement » , avilit « la démocratie »…
Et alors, moi, n’est-ce pas, je veux bien tout ce qu’on veut – mais je voudrais quand même rappeler que le Besson qui trouve Guillon trop vulgaire est le même Besson qui ose déclarer (notamment) que le chef de l’État français lui a fixé pour 2009 « un objectif de 27 000 reconduites à la frontière » , et qui profère également, négligeant que son nez s’allonge de cent bons kilomètres, que la police « traque les passeurs, pas les migrants ou ceux qui les aident ».
Vulgarité : « Caractère vulgaire, absence totale de distinction et de délicatesse » ([^5]).
Puis je voudrais aussi rappeler que l’Imbert nostalgique du « rire d’accueil » des temps d’antan, qui déplore si fort un nouveau « rire d’exclusion » , est le même Imbert, on s’en est parlé ici même il y a peu [^6], qui a récemment annoncé que désormais, « dans tous les cafés arabes » de France et de Navarre, « l’antisionisme se mue en antisémitisme » . Le même Imbert, itou, qui a fièrement proclamé, il y a quelques années : « Je suis un peu islamophobe, ça ne me gêne pas de le dire. J’ai le droit de penser que l’islam, je dis bien l’islam, je ne parle même pas des islamistes, apporte une débilité qui en effet me rend islamophobe. »
Et il en a, de fait, le droit : ferait beau voir qu’on le muselât. Mais qu’il ose encore, après cela, se réclamer de l ’« accueil » contre l’ « exclusion » prouve qu’il ne connaît tout simplement pas la honte.
[^2]: Le Parisien, 15 mars 2009.
[^3]: Le Point, 12 mars 2009.
[^4]: Pour ce qui serait de se gondoler, Claude Imbert a le goût très sûr des bons vivants des seventies : le gars se tord aux vannes des « plaisants sans bassesse », type « le patriarcal Bouvard », ou « le charmeur Amadou ». Il aime bien aussi les Guignols, c’est son côté keupon, mais pour l’essentiel, chacun(e) l’aura compris : même le rire, chez lui, est de droite.
[^5]: Définition du Petit Robert.
[^6]: Politis, 22 janvier 2009.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.