Cash flow

Avec le guitariste
Serge Teyssot-Gay et la rappeuse Casey, Hamé a forgé « l’Angle mort », un pavé magnifique dans les parterres du sarkozysme.

Sébastien Fontenelle  • 26 mars 2009 abonné·es

Le monde se divise en deux, mon ami. Tu as, d’un côté, la nouvelle star du slam intégré, Abd Al Malik – le Max Gallo de la variété française, dont la prose consensuelle, pleine des clichés du temps, ravit généralement la presse  [^2]. Et de l’autre, moins médiatisés, moins ovationnés : d’irréductibles énervés que l’époque finit d’enrager.

Par exemple, Hamé (La Rumeur) vient de forger avec la rappeuse Casey et le guitariste Serge Teyssot-Gay (Noir Désir) un album qui est comme un (gros) pavé anguleux dans les parterres du sarkozysme : l’Angle mort. Neuf titres comme une bande-son pour le printemps qui vient. Neuf brûlots éventuellement outrageants, pour observer que « les masques n’ont plus rien à masquer » , que nul(le) ne peut plus « nous refourguer le petit Affreux comme un progrès » , et que « c’est maintenant que tout commence »
– pour peu que, dans « cette marche forcée vers une certaine idée de la France » , il reste « encore des hommes qui pensent/des cerveaux libres qui, en secret/ne caressent pas l’espoir de se faire acheter ».

Hamé : « Ce projet remonte à la mini-tournée de La Rumeur avec Noir Désir, en 2002. Avec Serge, on s’est trouvé des affinités. Il avait envie de faire un disque de rap, j’avais envie de faire un disque de rock : il y a deux ans, nous avons commencé à travailler sur l’Angle mort, d’abord les musiques, puis, l’été dernier, les textes. Ça n’a pas été spécialement cérébral : plutôt un jaillissement. »

Le résultat est quelque chose d’assez neuf en France, où le rock et le rap ne s’étaient encore jamais vraiment rencontrés : « Ces morceaux ont une architecture très différente de ce qui se fait dans le rap, où la musique, habituellement, tourne en boucle – où c’est le flow qui donne du sens. Là, j’ai essayé de dire les choses avec moins de mots : sur certains titres, j’ai épuré mon texte pour laisser de la place au dialogue voix/guitare. »

Entrecoupé de tranches de vie intimistes (l’extraordinaire « le Mur »), l’Angle mort est un disque de combat : « Une invitation à la révolte, précise Hamé, parce que nous sommes confrontés à un régime dangereux, en guerre ouverte contre tout ce qui est différent, alternatif, insoumis. Contre tout ce qui est “contre”, justement. Ce que Sarkozy fait au pays, c’est ce qu’il a fait aux banlieues quand il était ministre de l’Intérieur : c’est le règne de l’arrogance, du mépris. »
Traduction en chanson : « C’est maintenant que tout commence/À l’épicentre du pétainisme les lignes de fracture s’accumulent »…

[^2]: À lire absolument : « Un truc de malade », par Faysal Riad.

Culture
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